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Il y a soixante ans étaient signés les Accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre entre la France et l’Algérie et enclenché le processus d’indépendance de l’Algérie après 132 ans de colonisation.

Cet ouvrage broché de 192 pages et de grand format, sera publié le 17 mars 2022 chez l'éditeur ERICK BONNIER.

La contribution de Didier Nebot est de 20 pages.

Les autres témoignages ne concernent pas notre communauté. Il est prévu un grand colloque international les 19 et 20 mars en Suisse auquel je participe.
En rassemblant les récits d’une variété porteurs de mémoire cet ouvrage se veut une contribution à la construction d’une nouvelle relation autour d’un récit pluriel et apaisé. Didier Nebot explique dans son récit la mémoire juive des juifs d'Algérie

EXTRAITS DU TEXTE DE DIDIER NEBOT

A)  C’était en juillet 1926, au temps des beaux jours, où, à Saint Eugène, une des banlieues d’Alger, un homme se baignait. Un peu plus loin, il y avait un autre nageur anonyme qui se délassait dans l’eau. Soudain sa tête disparut, il venait de couler. Sans perdre une seconde, le premier nagea vers le lieu du drame, il repéra un bouillonnement et plongea. L’autre s’affolait, pris par une crampe, il s’enfonçait dans l’eau. L’homme tenta de le remonter à la surface et de l’installer sur son dos, mais il se sentit à son tour emporté vers le fond. Il aperçut alors, à un mètre de lui à peine, une large planche qui flottait. C’était le salut. Il trouva la force de s’en approcher, et d’y hisser le noyé qui avait cessé de se débattre. Puis il se dirigea vers la plage en poussant le radeau miraculeux.

Une fois sur le sable, il pressa le thorax du noyé qui rejeta l’eau de ses poumons et reprit connaissance au bout d’un long moment.

Là ne s’arrêta pas l’histoire. Tous les ans durant une vingtaine d’années, à la date

anniversaire du sauvetage, l’Arabe retrouvait le juif pour le remercier et lui offrir un petit cadeau. Cette belle histoire de main tendue et de vie rattrapée in extrémis m’a été rapportée par mon père, qui n’était autre que le sauveur.

Ce genre de bienveillance et d’entente, malgré parfois des tensions menées par des extrémistes, était fréquent avant la conquête française. D’ailleurs bien souvent des cohortes de juifs et d’Arabes se pressaient, pratiquement main dans la main, sur les tombes des sages, souvent les mêmes. Cette histoire du passé nous est commune et bien souvent l’Occidental qu’est devenu le « juif » a des racines partagées avec bon nombre d’Algériens. Pourquoi ne pas espérer que, prochainement, une nouvelle page de fraternité puisse à nouveau s’écrire, en se regardant avec humilité et générosité.

 

B)  En 1971, il ne reste qu’un millier de juifs en Algérie. Maître Roger Saïd, ancien président de Morial, président de la communauté juive d’Algérie après l’indépendance et qui avait reçu l’accréditation des autorités algériennes, indique moins d’une cinquantaine de juifs en Algérie en 2010. Aujourd’hui, en 2022, il n’y a plus de présence juive en Algérie, tout au moins officiellement.

 

C)  La plupart des Algériens d’aujourd’hui ne comprennent pas pourquoi les juifs, présents dans ce pays depuis des temps immémoriaux, qui partageaient aussi des bons moments avec les populations locales, dont les mœurs et les coutumes n’étaient pas trop éloignées, les ont abandonnés et ont quitté leur terre natale. Ils n’ont pas conscience ou ne savent pas que le statut de « dhimmi » qui avait été le leur durant des siècles les avait marqués à tout jamais. Une telle situation de soumission ou de violence à leur encontre telles qu’elles avaient existé dans le passé pouvait se reproduire, d’autant que les derniers évènements (assassinats de juifs ou saccage de la grande synagogue d’Alger) n’étaient pas faits pour les rassurer.