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Lecture : Genèse 25, 19 - 28, 9

LA GENEALOGIE DES PATRIARCHES ar  Caroline Elishéva REBOUH

La Sidra commence par une conjonction de coordination « et » voici l’histoire d’Isaac  fils d’Abraham.  Abraham engendra Isaac….

Pour quelles raisons, dans la parasha précédente, la Torah nous donne-t-elle tant de raisons au sujet de la famille dont est issue Rebecca ? C’est parce que, nous apprend le Or HaHayim[1], lorsqu’il s’agit de faire "descendre" (du ciel) une grande âme ou une âme pure, il faut l’envelopper d’écorces (klippoth) pour éviter qu’elle ne subisse des dommages. Sa généalogie entoure donc Rivka pour éviter qu’elle ne soit abimée en chemin.

De très nombreux exégètes  font de merveilleux commentaires au sujet du début du  texte de la lecture de cette semaine, aussi bien au sujet de cette conjonction « et » que du mot « toledot » et du fait que l’on nous rappelle qu’Isaac est le fils d’Abraham.

Les sages s’interrogent sur la répétition de la généalogie d’Isaac puisque depuis la section de Vayéra où l’Ange Michaël a annoncé à Abraham et Sarah  que l’année d’après naîtrait Isaac.

Pourquoi donc est-il nécessaire de rappeler qu’Isaac est le fils d’Abraham ? 

Pour le Sifté Hakhamim que nous avons déjà cité, Rashi  et d’autres cette conjonction vient rattacher cette péricope à la précédente où a été évoquée la généalogie d’Ishmaël. Pourtant, en regardant de près la façon d’orthographier le mot Toledoth[2] lorsqu’il est question d’Ishmaël le mot s’écrit [3] sans la lettre vav ni avant ni après.

La présence de la lettre vav dans ce mot donne deux sens très différents selon la position occupée dans le vocable : le premier vav indique un potentiel et le second indique une réalisation qui doit s’opérer. Dans le Tanakh tout entier, le mot toledot peut s’orthographier de quatre façons différentes et, tel qu’il apparaît à la fin de Hayé Sarah,  "toledot Ishmaël" se distingue de manière unique par l’absence totale de "vav" ce qui procure une allusion : lorsque Sarah se voyant tristement stérile préconise un mariage avec Hagar.

Le dessein divin (de donner un fils à Abraham et Sarah) était loin d’être encore réalisable : Il fallait tout d’abord que  Abram et Saraï deviennent complémentaires et pour cela D ordonna de déposséder Saraï de son youd[4] pour le partager entre les deux époux et faire en sorte que chacun des deux membres du couple se « pare » d’un ‘hé[5]. Abram devint donc Abraham et Saraï devint Sarah. Pour avoir grandi et évolué dans un milieu  idolâtre et impur, Abraham possédait en lui des résidus d’impureté dont il s’est dépourvu en engendrant Ishmaël et, surtout, en opérant la circoncision sur lui-même.

Ce n’est qu’après la circoncision (signe d’alliance) et s’âtre vu ajouter un ‘hé à son nom qu’Abraham put donc devenir Patriarche du futur peuple d’Israël, et engendrer Isaac dont la ressemblance d’avec son père pouvait mettre un terme à tous les commérages mettant en doute la paternité d’Abraham sur Isaac.

En conséquence, lorsque le texte répète qu’Abraham engendra Isaac cela permet de bien souligner que la filiation du Patriarche passe par Isaac et non pas par Ishmaël.

D’autre part, lorsque 20 après leur mariage, Rivka se trouve enceinte car elle était stérile c’est pour nous enseigner deux principes : Sarah comme Rivka provenaient d’un milieu impur et leurs corps mais surtout leur esprit devait se purifier des pensées idolâtres et en second lieu, D aime entendre les prières des tsadikim pour leurs épouses  comme cela avait eu lieu avec Abraham pour Sarah et comme cela aura lieu pour Jacob pour Rahel.

Lorsque Rivka sentit que dans son ventre se passaient des choses étonnantes, et qu’elle questionna D pour comprendre, elle entendit  HaShem lui prédire que 2 peuples se disputaient en son sein et que si l’un aurait une descendance prestigieuse conforme aux vœux divins, le second aurait une descendance non moins prestigieuse mais très loin de la voie d’HaShem : ainsi, le descendant de Jacob sera R’ Yéhouda (HaNassi) tandis que l’un des descendants d’Esaü sera l’empereur romain Antoninus (Antoine).

R’ Yéhouda qui mit la Mishna par écrit a été nommé « HaNassi » - le Prince – et, certains sages ont fait remarquer que ce surnom « HaNassi » formait l’acronyme  de Nishmato Shel Yaakov Avinou[6].

Quant à l’accouchement et à la naissance d’Esaü et de Jacob : quelles étaient les motivations de chacun pour se presser de sortir de la matrice de leur mère dans laquelle un ange leur enseignait la Torah ? Esaü ne voulait plus entendre parler de Torah quant à Jacob, pour sa part, il avait hâte de sortir pour prendre la peine d’apprendre la Torah par lui-même et en recevoir son salaire pour le monde futur.

Esaü avait hâte de sortir  mais Jacob aussi pour un autre motif : il avait hâte d’étudier la Torah ! Jacob saisit le talon d’ Esaü car il était l’aîné des deux jumeaux mais, usant de ruse, il sortit le premier à la place de Jacob ce qui fait qu’en fait, il n’y a pas eu roublardise lors de la « vente » du droit d’aînesse mais un juste retour des choses d’autant qu’Esaü n’avait que faire de l’obligation qui lui serait incombée de servir D.

Isaac vieillit et sa vue n’est plus aussi claire.  Sa « vue » c’est-à-dire son sens prophétique s’obscurcit et est entravé par son amour pour son fils Esaü. Seule Rébecca (Rivka) continue à avoir son don prophétique ; c’est pour cette raison qu’elle dirige son fils. Esaü a contracté mariages avec des Cananéennes et elles brûlaient de l’encens à leurs idoles ce qui détériora davantage sa cécité.

Caroline Elishéva REBOUH

 


[1] Rav Hayim Ben Atar (1696-1743)

[2][2] Le mot TOLEDOTH appartient à la racine youd-lamed-daleth soit yéléd = enfant, leholid = faire naître, accoucher ; leyda = accouchement ; yoledeth = accouchée. Par extension, le mot TOLEDOTH signifie généalogie et histoire.

[3] Pour la seule et unique fois dans le Tanakh tout entier.

[4] Lettre hébraïque ayant une valeur numérique de 10. Le youd symbolise aussi le nom de D.

[5] Lettre hébraïque d’une valeur numérique de 5, symbole aussi du nom de D et de fertilité.

[6] הנשיאנשמתו של יעקוב אבינו