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textes des conférences

Colloque du 20 octobre 2013 : Commémoration des 70 ans du rétablissement du décret Crémieux:

La Longue marche des juifs d'Algérie vers la liberté

Nous publions ici les textes des conférences qui nous ont été communiqués par leurs auteurs

- Deuxième partie:
Les années difficiles des Juifs d’Algérie entre l’abrogation du décret Crémieux et son rétablissement (1940-1943)

Les Juifs d'Algérie sous Vichy par Denis  COHEN-TANOUDJI


La connaissance de l’Histoire des communautés juives d’Afrique du Nord durant la seconde guerre mondiale, celle des Juifs d’Algérie en particulier, est en construction. C’est le but de ce colloque que d’éclairer cette période noire, de mieux comprendre comment le monde juif maghrébin, l’algérien en particulier, même s’il a été globalement épargné par la Shoah, en a néanmoins été victime à une échelle qu’il convient aujourd’hui d’évaluer. Après la commémoration l’an dernier de l’opération Torch et de la contribution exceptionnelle de quelques centaines de résistants juifs d’Algérie à cette opération militaire, le colloque commémoratif d’aujourd’hui, également organisé cette année par Morial et le Centre Communautaire, est une nouvelle occasion de construire cette histoire. 

Ma communciation sera basée à partir des travaux d’historiens qui se sont penchés sur ce sujet, à savoir Michel Abitbol, Joëlle Allouche, Michel Ansky, Norbert Bel Ange, Jean Laloum, Henri Msellati et Benjamin Stora. Je placerai mon propos de façon volontairement un peu plus large que l’Algérie sous la période Vichy, à la fois dans le temps et dans l’espace. Il faut ainsi replacer Vichy en Algérie de façon relative à la métropole. Il faut aussi comparer l’Algérie avec ses voisins maghrébins, voire avec le reste du monde arabe. Enfin, il ne faut point s’arreter à l’opération Torch en novembre 1942, qui, nous allons le voir, ne met pas véritablement fin aux lois de Vichy en Algérie.

De la « drôle de guerre » à la débâcle

En ce mois de septembre 1939, l’agression allemande contre la Pologne, faisant suite au pacte conclu entre les Nazis et les Soviétiques pour la dépecer, ne réveille pas la France et la Grande Bretagne au-delà d’une déclaration de guerre juridique et d’une brève incursion symbolique en territoire allemand. Certes, les armées françaises remobilisent en France et en Outre-mer. Le patriotisme des Juifs français, de métropole et d’Afrique du Nord est à son comble. Mais la France s’endort, c’est la drôle de guerre ; l’administration consacre une bonne partie de son énergie à incarcérer les communistes, les républicains espagnols et les réfugiés allemands ou autrichiens (souvent juifs) dans des camps comme ceux de Rivesaltes et des Milles. Entre mai et juin 1940, la défaite des armées françaises est aussi foudroyante qu’imprévisible. En un peu plus d’un mois, les pertes militaires hexagonales s’élèvent à près de 100 000 morts, rythme mensuel rarement atteint lors de la Grande Guerre. Des millions de soldats français positionnés inutilement derrière la Ligne Maginot sont faits prisonniers ; parmi eux, de nombreux Juifs d’Afrique du nord. Le chaos militaire provoque un exode massif de la population civile durant plusieurs semaines. Un cessez-le-feu est conclu le 25 juin par le nouveau chef du gouvernement, Pétain, contre la détermination d’une poignée d’hommes politiques comme de Gaulle et Mandel. Contre la volonté de seulement 80 députés autour de Léon Blum, une immense majorité (569 voix) des parlementaires issus de la Chambre du Front Populaire - certes amputée de ses 82 députés communistes et de 150 absents - accordent les pleins pouvoirs à Pétain lors d’une session extraordinaire tenue au Casino de Vichy le 10 juillet 1940. Un régime totalitaire inédit en France se met en place : la « Révolution Nationale » ne rencontre aucun contre-pouvoir si ce n’est celui du vainqueur nazi, qui annexe l’Alsace-Lorraine, et qui occupe près des deux tiers de la France métropolitaine ; l’Etat français dispose de forces de police dans tout le pays, d’un résidu d’armée en zone « libre » et conserve la maîtrise de la Royale. L’administration de Vichy garde des marges de manœuvre en terme législatif sur l’ensemble du territoire. C’est ainsi que les législations antisémites très rapidement décidées par les nouvelles autorités s’appliquent aux différentes zones, tant occupée que « libre », mais aussi dans les colonies.

Vichy en Algérie

Les premières mesures concernant les Juifs sont prises à l’initiative du nouveau régime. A peine installée au pouvoir, la nouvelle administration française décide le 22 juillet 1940 la révision rétroactive des naturalisations issues de la loi de 1927, produisant ainsi 15 000 apatrides ; le 27 août, le décret Marchandeau interdisant le racisme dans la presse est abrogé ; le 3 octobre, le régime de Vichy édicte de son plein gré, trois semaines avant les entrevues de Montoir entre Hitler et Pétain, la « loi portant statut des Juifs ». Définis selon des critères raciaux, les Juifs sont exclus de l’armée, de nombreuses professions dans la fonction publique, en particulier dans l’enseignement secondaire et supérieur ; seules quelques dérogations sont accordées pour services exceptionnels rendus au pays. L’exercice des professions intellectuelles et libérales devient fortement encadré. Les Juifs étrangers se voient par la loi du 4 octobre 1940 menacés d’internement ; on estime à 50 000 ceux internés à la fin de 1940, représentant plus des deux tiers de la population des camps français

En Algérie, où la pression militaire allemande reste pourtant nulle, l’ensemble de ces lois s’applique. Qui plus est, comme le déclare l’historien américain Paxton, « c’est Vichy qui subissait les pressions d’Alger et non l’inverse ». Ainsi, des éléments spécifiques à la colonie se joignent-ils à la répression antisémite : la loi du 7 octobre 1940 abroge purement et simplement le décret Crémieux du 24 octobre 1870, exauçant ainsi le désir jamais entamé de bien des colons ; l’ancien député-maire de Constantine Emile Morinaud peut alors déclarer que « la joie s’est emparée des Français quand ils ont appris que le gouvernement Pétain abrogeait l’odieux décret. Nous avons toujours revendiqué contre les Juifs la cause de la prépondérance française. Nous n’avons qu’à louer le grand Pétain d’avoir répondu à l’appel des Français de ce pays opprimé depuis 70 ans ». Pour les Juifs d’Algérie citoyens français, la plupart l’étant alors depuis deux à trois générations, c’est le retour au statut de Juifs indigènes. Seuls 1 300 d’entre eux (souvent d’origine alsacienne) conserveront la nationalité française. Pour parer à d’éventuelles failles juridiques, une seconde loi est promulguée le 11 octobre 1940 ôtant toute démarche individuelle de naturalisation française ; c’est ainsi le Senatus consulte de 1865 que l’on abolit... L’annulation rétroactive de la citoyenneté ne renvoie néanmoins pas les Juifs dans la législation de l’indigénat, limitée alors aux seuls musulmans ; ne voulant pas réactiver le système juridique de la « nation juive » de 1830 qui avait conféré à l’époque une grande autonomie communautaire, on soumet les Juifs indigènes aux devoirs de la Loi française sans qu’ils en aient les droits. Dans la communauté juive algérienne, l’humiliation est totale, en particulier parmi les nombreux anciens poilus de 14-18. S’ajoutant à cette déchéance, l’isolement, déjà ressenti avant guerre, devient total : il n’y a plus guère que les Juifs pour espérer le salut de la Grande Bretagne, surtout après les bombardements anglais de Mers el-Kébir visant les navires de la Royale… 

Dans l’arsenal antisémite en Algérie, une des mesures les plus vexatoires est sans aucun doute celle qui limite la scolarisation des enfants. Nous savons combien la scolarisation des enfants juifs algériens dans les années 1880-1900 avait été un formidable facteur - vite jalousé - d’émancipation socioculturelle et économique. Vichy instaure dès le 20 septembre 1941 un numerus clausus dans la colonie afin de limiter l’enrôlement des enfants juifs des écoles primaires et secondaires ainsi que dans l’enseignement supérieur. Partant de la situation où les élèves juifs représentaient en 1940 environ 8 % des effectifs du primaire, 15 % du secondaire et 20 % du supérieur, la borne supérieure arbitraire, fixée pour l’année scolaire 1941-1942 à 14 % des effectifs, n’aurait, en théorie, dû toucher uniquement les étudiants à l’Université. Or de très nombreux enfants juifs du primaire et du secondaire sont renvoyés - souvent de façon ostensiblement humiliante - des écoles entre octobre et décembre 1941. Le seuil tombe à 7 % pour l’année scolaire 1942-1943 dans le primaire et secondaire, et à 3 % pour l’Université, officialisant sans doute déjà les nombreux renvois de l’année précédente. Les rares dérogations sont souvent liées, soit à un passé militaire des parents, soit à de bons résultats scolaires. Un élément capital dans ce contexte d’exclusion scolaire est aussi l’absence en Algérie de tout enseignement privé juif. L’Alliance Israélite Universelle n’a, rappelons-le, jamais senti le besoin de s’y installer durablement, tant l’école républicaine répondait à sa doctrine. Les conséquences des lois d’exception prises durant l’été 1941 vont ainsi prendre au dépourvu les dirigeants communautaires et les familles. Toutefois, malgré les nombreuses embûches administratives tendues par les autorités vichystes, quelques écoles primaires et secondaires privées ouvriront leurs portes. L’initiative la plus emblématique se trouve être l’université privée fondée à Alger par les dirigeants juifs, Robert Brunschvig, Edmond Benhamou, Henri Aboulker et André Lévy-Valensi. 

Vichy interdit aussi en Algérie l’exercice de certains métiers, tant dans la fonction publique que pour certaines professions libérales. Les Juifs sont ainsi évincés de divers emplois dans les assurances, la presse, le théâtre et le cinéma. La loi du 2 juillet 1942, non applicable en métropole, interdit alors à un Juif, y compris à un ancien combattant, de gérer un Café ou de d’exploiter un débit de boisson. Malgré la sous-médicalisation chronique de l’Algérie (un peu plus de 900 docteurs pour plus de 6 millions d’habitants), la plupart de la centaine de médecins juifs de la colonie se voit refuser l’exercice de la médecine. 

Entre 1940 et 1942, les autorités de Vichy ont créé une douzaine de camps d’internement, pour la plupart dans le Sud Algérien. Les premiers occupants sont des étrangers, Juifs ou non, ayant servi comme volontaires dans les Forces françaises pendant la guerre contre les puissances de l’Axe et devenus indésirables après l’armistice. D’abord internés dans des camps du midi de la France, ils sont transférés en Algérie en 1940 et 1941. Ils sont bientôt rejoints par des prisonniers politiques, francs-maçons et communistes, puis par les conscrits Juifs régulièrement mobilisés avec leur classe, mais enrôlés « à part ». Le réseau des camps comporte des régimes de sévérité inégale, les plus redoutables étaient les camps disciplinaires, comme celui de Djenen-bou-Rezg (Sud Oranais), véritable bagne, où les sévices, la sous-alimentation, les températures extrêmes, l’hygiène déplorable, provoquent chez les captifs des maladies graves et parfois la mort. 

En France métropolitaine, la situation empire. Vichy crée le 29 mars 1941 le Commissariat général aux questions juives (C.G.Q.J.) ; Xavier Vallat, puis Louis Darquier de Pellepoix, en prennent successivement la direction. En plus de son pouvoir de proposition de nouvelles lois antijuives, le C.G.Q.J. est pourvu d’un rôle de gestion et de liquidation des biens juifs. Ainsi, une nouvelle loi datant du 22 juillet 1941 organise la confiscation et l’« aryanisation » des entreprises, biens et valeurs appartenant aux Juifs. Les Juifs français se voient dorénavant totalement écartés de la vie politique, sociale et économique du pays. Dénombrés, fichés, dépossédés, évincés, affaiblis, appauvris, ils n’ont pas encore connu le pire… 

Cette nouvelle législation implacable, entraînant la communauté juive française dans une très forte vulnérabilité face aux futures déportations, va s’appliquer plus que scrupuleusement en Algérie. Ainsi, le délégué général de la France en Afrique française, le général Maxime Weygand, conçoit le 14 août 1941 le Service algérien des questions juives, clone du C.G.Q.J. dans la colonie, qui devient ainsi le bras administratif pour entreprendre la spoliation économique. Le recensement des Juifs résidant en France décidé le 2 juillet 1941, se déroule, en Algérie, en septembre 1941. Il aboutit au chiffre, à l’unité près, de 116 884 Juifs résidant dans l’ensemble de la colonie. Tellement persuadé que le chiffre du recensement est minoré (paranoïa antisémite oblige), Xavier Vallat encourage la délation au sein de la population. Vainement, car, légaliste, la communauté juive avait obéi aux injonctions de l’administration ; de plus, le patronyme en Afrique du Nord est alors un tel marqueur ethnique qu’il était difficile de s’en échapper...

Le décret du 21 novembre 1941, suivi de celui du 13 avril 1942, permet ensuite la nomination d’administrateurs provisoires destinés à prendre en charge les entreprises industrielles, commerciales ou immobilières détenues par des Juifs. Il est difficile d’avoir une vision exhaustive sur la question de la spoliation en Algérie car les archives du Service algérien des questions juives ont été brûlées en janvier 1944 sur ordre de de Gaulle, sous prétexte de « réconciliation nationale ». Néanmoins, on estime à plus de six mille demandes de postes d’administrateurs provisoires, ces derniers pouvant gérer plusieurs biens à la fois. Pour éclairer cet épisode, nous disposons de pièces d’archives retrouvées par Jean Laloum. Ce sont en particulier les exemplaires du Journal officiel de l’Algérie, où, au sein d’un ensemble hétéroclite de décrets et de décisions de justice, des dizaines de rubriques intitulées froidement « Juifs » parsèment les bulletins.

La mesure du port de l’étoile jaune, imposée en zone occupée dès le 7 juin 1942, coïncide en France métropolitaine avec le début des déportations vers les camps d’extermination. En Algérie, comme en zone « libre », cette législation sur l’étoile jaune ne s’applique pas. Néanmoins, à l’automne 1942, le Gouverneur de la colonie Yves Châtel passe une commande de brassards jaunes, possédant une étoile à six branches, aux Etablissements Altairac à Alger. Le débarquement américain du 8 novembre 1942 sur les côtes d’Afrique du Nord épargne alors sans doute aux Juifs d’Algérie le sort tragique qui leur était destiné.

Tandis qu’elle est appliquée en Algérie dans son intégralité, voire renforcée, la législation antisémite de l’Etat Français demeure partiellement mise en œuvre en Tunisie et au Maroc. Les autorités françaises y font preuve de prudence, en particulier sur les implications raciales et religieuses des lois antijuives. Pour ne pas heurter les souverains de Tunisie, A’hmed Pasha Bey, puis son successeur Moncef Bey - ni le sultan du Maroc Mohammed V - la définition raciale est mise en sourdine pour les Juifs marocains et tunisiens convertis à l’islam, contrairement à l’Algérie où ces cas particuliers restent catalogués comme juifs. D’autre part, il semble que la morale chrétienne de l’amiral Estéva contribue à modérer le zèle antisémite des lois vichystes en Tunisie. La minorité des Juifs tunisiens et marocains naturalisés français l’ayant été sur la base du volontariat ou de la promotion individuelle, il n’y avait certes là pas de décret Crémieux à abroger... Comme en métropole et en Algérie, les Juifs marocains et tunisiens se voient toutefois interdits l’exercice de la fonction publique ; un numerus clausus est institué pour les professions libérales, en particulier pour les médecins, les avocats, les agents d’assurance et immobiliers. Pour la spoliation des biens, seuls les cinémas et les journaux sont placés sous séquestre et détournés de leurs propriétaires juifs. 

Le rôle modérateur des beys de Tunis et du sultan du Maroc face à Vichy a-t-il été partagé avec leurs peuples ? Plus largement, comment les populations du Maghreb ont-elles réagi face à l’éventualité d’une victoire des forces de l’Axe ? Les signes prémonitoires des émeutes arabes antijuives de Casablanca en 1907, de Fès en 1912, de Tunis en 1917, de Constantine en 1934, pouvaient augurer du pire. Car, en effet, en Afrique du Nord, les agressions antisémites perpétrées par des éléments arabes et berbères se multiplient dès que l’on apprend la déroute de l’armée française face aux panzers allemands : les premières violences antijuives sont recensées au Maroc dès mai 1940. La période transitoire entre l’effondrement de la République et les premiers décrets de Vichy est tourmentée : des ratonnades contre les Juifs sont conduites par des légionnaires français et musulmans au Maroc ; un Juif est tué et six autres blessés dans le Mellah de Fès. En Tunisie, une poussée de fièvre antijuive entoure les semaines survenant après la signature de l’armistice ; des tracts, distribués à Tunis et dans plusieurs grandes villes de province, appellent au massacre des Juifs. Ce genre d’incitation à la violence se transforme en passage à l’acte dans le Sud tunisien, comme à Gabès ; huit Juifs y sont tués et une vingtaine d’autres blessés entre le 19 et le 22 mai 1941. Cependant, dès que l’ordre vichyste s’installe pour de bon, que la perspective d’un désengagement de la France en Afrique du Nord s’éloigne, les violences arabo-musulmanes contre les Juifs se calment. Les premières mesures législatives antisémites promulguées par Pétain rencontrent une certaine approbation au sein des masses maghrébines. Vichy ramène en effet les Juifs à leur condition d’infériorité ancestrale vis à vis des musulmans. Ainsi, en Algérie, en particulier, une fraction non négligeable de la population indigène semble-t-elle se réjouir de l’abrogation du décret Crémieux ; l’émancipation politique et sociale d’une partie des Juifs lui était intolérable. Grâce à Pétain, les Juifs redevenaient dhimmis ; leur nouveau statut se situant en deçà de celui des musulmans.

Si Vichy est persuadé que les populations musulmanes adhèrent unanimement à l’abrogation du décret Crémieux, des franges significatives de cette communauté, guidées par certaines élites arabo-kabyles qui avaient rejoint avant guerre l’Union des Croyants Monothéistes, la déplorent toutefois ; ainsi, Maître Boumendjel, avocat du nationaliste algérien Messali el-Hadj, écrit-il que « bien loin de se réjouir des mesures discriminatoires dont on accablait les Juifs, les musulmans ont simplement pu se rendre compte qu’une citoyenneté qu’on retirait après 70 ans d’exercice était discutable par la faute de ceux-là même qui l’avaient octroyée. Nos adversaires ne se doutaient pas qu’en infériorisant les Juifs, ils ne pouvaient que les rapprocher davantage des musulmans ».

Les relations arabo-juives sont donc mitigées au Maghreb, elles sont par contre bien plus délétères au Levant. Manifestement travaillées avant guerre par des idéologies pronazies, certaines opinions arabes du Mashrek ne cachent pas leurs sympathies pour les forces de l’Axe. Si la Syrie et le Liban tombent sous le contrôle vichyste dès le 22 juin 1940, l’Irak est dirigé depuis mars 1940 par un proche de l’Allemagne nazie ; et la Libye est sous domination italienne avant de devenir un tremplin pour les panzers de Rommel. Face à ces périls, la Grande Bretagne, pourtant hostile aux sionistes, trouve dans la Palestine juive sa principale base logistique sur le front proche-oriental de sa guerre contre Hitler. Le 17 avril 1941, les Anglais, prenant de court les sympathisants nazis irakiens, débarquent à Bassora et mettent en déroute en moins d’un mois les troupes du pays. Livrée alors à elle-même pendant quelques jours, la ville de Bagdad devient le théâtre d’un des plus graves pogroms du XXème siècle. En janvier 1942, les blindés de l’Afrika Korps font une percée au niveau de la frontière libyenne et roulent vers El-Alamein en Egypte. En juin 1942, Tobrouk tombe aux mains des Allemands. Anticipant l’arrivée des Nazis, l’administration égyptienne entame les préparatifs d’un recensement des Juifs. Ceux du Yishuv craignent une invasion de l’Afrika Korp. Mais ce sont les Juifs libyens qui en font la douloureuse expérience. Ceux de Cyrénaïque et de Tripolitaine, déjà soumis aux lois antijuives italiennes, voient leur condition s’aggraver ; quelques 300 d’entre eux sont emprisonnés en Italie avent d’être déportés à Bergen Belsen, lors de l’invasion allemande de l’Italie le 8 septembre 1943. 3 600 sont évacués de Cyrénaïque pour être internés dans le camp de Djaddo. Environ 500 décèdent de malnutrition ou de maladie. Les survivants sont astreints au travail forcé, jusqu’à leur libération le 23 janvier 1943. 

Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord

À la suite de la percée des panzers allemands en Egypte durant l’été 1942, Churchill obtient de Roosevelt l’ouverture d’un contre-front au Maghreb. C’est l’opération « Torch » qui s’apprête à être déclenchée. Tandis que les Nazis avaient eu recours à des éléments arabes pour leurs opérations égyptiennes et irakiennes, les Américains, surtout les Anglais, sollicitent le concours de résistants algériens ; ces derniers, pour la plupart juifs (315 sur 377), sont dirigés par José Aboulker et Henri d’Astier de la Vigerie. L’armée anglo-américaine promet aux insurgés la fourniture d’armes, mais elles ne seront jamais livrées, suite à de profondes divergences entre Churchill et Roosevelt au sujet du maintien ou non de l’autorité de Vichy. Cela n’empêche pas les troupes anglo-américaines de débarquer sur les côtes marocaines et algériennes dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942. Dans les heures qui précèdent, José Aboulker et sa « bande de Bab el-Oued » entament des actions de sabotage et de neutralisation de grande envergure des points stratégiques d’Alger et des batteries côtières de Sidi Ferruch. Les batteries françaises pilonnent les embarcations alliées ; à Alger, on dénombre plus de soixante morts parmi les GIs ; les troupes du général Noguès stationnées au Maroc combattent les Américains jusqu’au 11 novembre ! Prise au dépourvu par l’attaque américano-anglaise, les Allemands réagissent avec rapidité : Hitler ordonne l’invasion du Sud de la France, et, dès le 9 novembre, des avions de la Luftwaffe se posent près de Tunis et y débarquent des troupes. Tandis que les forces vichystes avaient ouvert le feu sur les soldats anglo-américains débarquant au Maroc et en Algérie, les armées françaises stationnées en Tunisie restent passives et « neutres » face aux troupes nazies. L’amiral Estéva applique fidèlement les ordres de Pétain ; ses troupes se font désarmer à Bizerte. Seul le général Barré se replie vers l’Ouest et se joint aux armées anglo-saxonnes. Ces dernières essayent en vain de libérer la Tunisie mais échouent aux alentours de Medjez-el-Bab, à 50 km de Tunis. Du côté algérien, certaines villes proches du front sont évacuées.

Murphy, l’envoyé de Roosevelt en Afrique du Nord signe néanmoins un cessez-le-feu avec l’amiral Darlan, pièce maîtresse du dispositif vichyste et dauphin présumé de Pétain. L’arrêt des combats est exigé « au nom du Maréchal » ; Darlan obtient des Américains le maintien de la souveraineté vichyste en Afrique du Nord. C’est une douche froide pour la poignée de résistants juifs. Cette compromission n’est néanmoins pas uniquement le fruit de l’habilité politique de Darlan et de Murphy ; elle est surtout le reflet d’une réalité : une majorité des Européens des colonies soutient Pétain ; à la différence des Juifs, une majorité des Français d’Algérie honnissent, à ce moment-là, les Anglais ; de même, un groupuscule juif n’aurait pas pu influer sur les affaires politiques dans un contexte d’antisémitisme d’Etat auquel souscrivent une bonne partie de la population. Les esprits sont en l’occurrence si gangrenés par la haine antisémite que l’on se demande pour un temps si ce ne sont pas les Allemands qui ont débarqué... Les lois antijuives ne sont pas abrogées ; le Service des questions juives continue d’exister ; certains Juifs sont internés car accusés d’être associés à l’assassinat de Darlan le 24 décembre 1942 ; la presse sécrète encore son venin ; une agitation antijuive d’origine arabo-musulmane réapparaît au Maroc, analogue à celle survenue aux alentours de l’armistice de juin 1940 ; les Juifs sont surtout attaqués lorsqu’on les surprend en train de sympathiser avec des GIs américains ; certains se font emprisonner pour ce genre de comportement. La situation ne se stabilise qu’avec l’arrivée au pouvoir du général Giraud, imposé par les Américains contre la volonté de de Gaulle. La période qui s’ouvre alors regorge de contradictions. Le général Giraud continue de reprocher aux Juifs d’avoir « trop bruyamment manifesté leur joie au passage des troupes américaines », et « d’aspirer à leur revanche puisqu’ils demandent avec véhémence l’abolition de toute législation antijuive ». 

La deuxième abrogation du décret Crémieux

L’aspect le plus indigne de cette période réside dans le maintien de la France de Vichy dans l’Algérie pourtant libérée. L’annulation de l’abrogation du décret Crémieux établie par Pétain en 1940 ne va pas de soi pour l’administration française non épurée de ses nombreux éléments antisémites. Le plus ahurissant, c’est qu’il se trouve certains dirigeants français israélites pour abonder dans le sens d’une seconde abrogation ; l’historien Michel Abitbol a ainsi relevé les propos qu’un certain Robert Lévi avait tenu en décembre 1942 auprès du diplomate Robert Murphy, le nouveau délégué de Roosevelt à Alger. Le 14 mars 1943, Giraud abroge donc officiellement une seconde fois le décret Crémieux, avec des arguments prétendument antiracistes : « des lois de discrimination raciale imposées à la France par les Nazis n’existent plus. Une ordonnance est promulguée déclarant nulle la loi du 2 juin 1941 et tous les décrets s’y attachant. Dans la même volonté d’éliminer toute discrimination raciale, le décret Crémieux qui avait établi en 1870 une différence entre les Indigènes musulmans et israélites est abrogé. Que les Musulmans ne prêtent pas l’oreille aux conseils intéressés que ne cesse de leur prodiguer la propagande germano-italienne. Quant aux rapports entre Musulmans et Israélites, ils doivent être ceux d’hommes appelés à se compléter économiquement, celui-ci travaillant à l’échoppe, celui-là dans le bled, sans que l’un ait le pas sur l’autre, la France assurant à l’un et à l’autre sa sécurité et sa tranquillité. J’ai trop vécu en Afrique du Nord pour ne pas être convaincu que la chose est possible et même facile. J’ai confiance dans le bon sens de tous pour qu’elle se réalise ». Cette nouvelle trahison de la France ne pousse-t-elle pas certains Juifs d’Algérie à s’interroger sur leur choix politique ? On recense des adhésions à l’Union Sioniste Algérienne. Cette déception juive est à rapprocher de celle concomitamment exprimée par les Algériens musulmans : c’est précisément le 31 mars 1943, que le nationaliste Ferhat Abbas, accompagné de trente autres personnalités algériennes, publie le Manifeste du peuple algérien. Ferhat Abbas pressent bien le piège du pseudo argument « antiraciste » du général Giraud lorsqu’il déclare aux Américains en avril 1943 que « nous ne nous opposons pas aux démarches des Juifs pour récupérer leurs droits de citoyens français ; nous ne voulons pas d’égalité par le bas ».

Bien qu’en parallèle, les dispositions législatives concernant le numerus clausus et les spoliations économiques soient abolies, certaines humiliations demeurent. Ainsi, par exemple, le lait que la Croix Rouge américaine distribue aux enfants algérois est-il refusé pendant encore un certain temps aux petits juifs. Surtout, un autre aspect discriminatoire réside dans l’impossibilité pour les Juifs algériens de rejoindre l’armée française régulière. En en effet, les Juifs sont incorporés dans des unités de Pionniers, dites « Compagnies de travailleurs » ; Giraud a une nouvelle fois justifié cette discrimination à l’encontre des Juifs avec le même argument selon lequel les engagés indigènes dans la nouvelle armée française n’accepteraient pas d’y côtoyer des Juifs. Parmi les jeunes hommes d’Algérie en âge d’être incorporés, seuls les Juifs, à la différence des Européens et des Arabo-berbères, sont donc affectés à ces unités non-combattantes ; les anciens officiers juifs ne sont même pas réintégrés dans l’armée. Ces unités de Pionniers s’avèrent en réalité des bagnes, où les conditions de vie sont bien déplorables ; une fraction incorpore les « Corps Francs ». Trois groupes de camps sont ainsi crées : ceux de Bedau, Bossuet et Magenta près dans l’oranais, El Guerra et Télgerma dans le constantinois et Chéragas près d’Alger. 

En fin de compte, comment expliquer une telle ambivalence française en Algérie ? Est-ce la crainte de l’administration française de voir finalement les Allemands victorieux en Tunisie qu’ils viennent d’envahir, et de menacer en retour l’Algérie ? En réalité, ce manque d’empressement est avant tout idéologique ; il se mesure à plusieurs reprises par la forte rémanence de l’esprit vichyste et une absence de véritable soutien français envers les Alliés. Les véritables perspectives de la Libération se font jour lorsque, le 7 mai 1943, les Allemands sont chassés de Tunis. Le 30 mai 1943, Charles de Gaulle arrive enfin à Alger. Les généraux de Gaulle et Giraud cogèrent non sans mal la France Libre depuis l’Afrique du Nord libérée. En juin 1943, juste après la libération de la Tunisie, les unités de Pionniers sont enfin dissoutes. Beaucoup vont alors participer aux compagnes d’Italie puis de Provence. Les Forces Françaises Libres débarquant en Provence se composaient essentiellement d’éléments issus des colonies, Pied-noirs, Arabes, Noirs et Juifs. Au fur et à mesure que les armées libéraient la métropole, les régiments du général Jean de Lattre de Tassigny étaient « blanchis » et les soldats indigènes discrètement mis en retrait… Notons qu’à ce jour, alors qu’on célèbre aujourd’hui, à juste titre, les « indigènes » de l’armée d’Afrique qui ont participé à la Libération de la Tunisie, de l’Italie et de la métropole, ce sombre épisode vichyste et « post-vichyste » est toujours ignoré. Enfin, il faut attendre le 21 octobre 1943 pour que le décret Crémieux abrogé par Pétain, abrogé une deuxième fois par Giraud, soit remis en vigueur par le comité de la Libération.

Happés dans la Shoah

Nous ne pouvons pas ne pas évoquer le sort pendant la période nazie des Juifs d’Afrique du nord, ceux d’Algérie en particulier, sans aborder les persécutions subies par les Juifs européens, en particulier ceux originaires d’Afrique du Nord installés en métropole. Ceux issus d’Algérie y perdent aussi la citoyenneté française avec l’abrogation du décret Crémieux. Comme les autres Juifs de métropole, victimes des lois antisémite, ils sont exclus de leurs activités professionnelles, subissent l’aryanisation de leurs biens. A partir du 7 juin 1942, ceux qui demeurent en zone occupée portent l’étoile jaune ; ce qui suscite les premières désapprobations parmi la population française. Toutes ces mesures suivaient la décision nazie prise peu avant la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, marquant la mise en œuvre industrielle de la Solution Finale. Le chiffre de 700 000 Juifs à éliminer alloué à la France comprenait non seulement ceux de métropole (300 000) mais aussi ceux de l’Afrique du nord française ; les nazis projetaient ainsi d’éliminer aussi les Juifs du Maroc, d’Algérie et de Tunisie. Les propos que tient Hitler au mufti al-Husayni en décembre 1941 sont au demeurant plus qu’explicites : « tout ce qui est bâti en Palestine est l’œuvre des Arabes depuis la préhistoire et non pas celle des Juifs. Leur nature ne leur permet pas d’être des bâtisseurs et j’ai décidé de trouver à tout prix une solution précise et finale au problème juif. J’appellerai en premier tous les Etats d’Europe, ensuite ceux hors d’Europe, à collaborer pour mettre un terme définitif au judaïsme mondial qui représente un danger menaçant pour le monde entier ». Les premières déportations à partir du territoire français datent du 27 mars 1942. Après les opérations en zones occupées, la déportation des Juifs internés dans la zone « libre », depuis les camps des Milles, Rivesaltes et Gurs, constitue la seconde étape. C’est à partir de ce moment que nombre de Français, résistants, hommes d’églises ou simple anonymes, les Justes, réagissent. Ainsi, si entre un quart et un tiers des 300 000 Juifs résidant alors en France ont été exterminés, plus des deux tiers ont-ils eu la vie sauve ; et environ 85 % des enfants juifs ont été sauvés. Serge Klarsfeld a recensé l’ensemble des 76 000 Juifs français, étrangers ou apatrides, qui ont subi une déportation depuis la métropole. Parmi ces déportés, 7 000 sont d’origine séfarade ; selon Jean Laloum, 1 500 d’entre eux sont nés en Algérie. Par exemple, Constantine compte 80 déportés, Alger, 265 et Oran, 320 ; on dénombre aussi de nombreux juifs métropolitains originaires de Tunisie parmi les déportés. De plus, comme le signale Henri Msellati, les listes de déportés ne précisent pas l’origine des enfants nés en métropole de parents nés au Maghreb.

Conclusion

En conclusion, cette sombre page d’histoire révèle au combien les Juifs d’Algérie, étaient inclus dans les visées exterminatrices des Nazis, une entreprise génocidaire en Afrique du Nord qui aurait sans doute bénéficié de l’aide très efficace de Vichy et d’une grande partie de la population coloniale. Cette libération ayant eu lieu tôt dans le cours de la guerre a ainsi permis d’épargner les Juifs d’Algérie. La réminiscence de l’antisémitisme d’Etat et celui de la société coloniale ont retardé le plein rétablissement des droits des Juifs. Leur répit ne durera que 10 ans, avant le début des événements en 1954. Les Juifs ont-ils alors cherché à oublier cette période noire ? En tout cas, en 80 ans, les Juifs se sont finalement tellement battus pour le maintien puis le rétablissement du décret qu’ils ont oublié qu’ils ne l’avaient point réclamé en 1870. En 1943, la France n’a pas non plus saisi l’opportunité d’élargir les droits à la population arabo-musulmane colonisée. Sans doute la seconde abrogation du décret Crémieux en mars 1943 constitue-t-elle un puissant catalyseur pour les dirigeants nationalistes algériens et les détournent définitivement de tout avenir français. Les sanglantes émeutes de Sétif suivront deux ans après… 

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 Conclusion: 

 

 

Les dernières années de présence juive en Algérie  (1944-1962)   par Jacques KAROUBI

 Introduction :

Il m’appartient maintenant de conclure ce passionnant colloque pour vous parler de la fin de l’histoire, de cette histoire de la longue marche des juifs d’Algérie vers la liberté.

20 octobre 1943 – 20 octobre 2013 : Cela fait donc aujourd’hui 70 ans jour pour jour que les juifs d’Algérie ont définitivement récupéré leur citoyenneté française.

Lorsque il y a un an ici même, j’avais fait la conférence sur l’opération Torch, je m’étais rendu compte qu’il avait fallu attendre près d’un an pour que les résistants juifs qui avaient contribué à la libération de l’Algérie soient enfin reconnus dans leur statut de français et que le rétablissement du décret Crémieux n’était intervenu que le 20 octobre 1943. J’ai d’emblée réalisé que cette date représentait une date charnière dans l’histoire des juifs d’Algérie, et qu’il fallait la faire connaitre à l’occasion du 70ème anniversaire qui interviendrait l’année suivante.

J‘ai donc lancé cette idée à Morial qui a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme  par Didier Nebot, président de Morial. Nous avons élaboré un premier projet de manifestation que nous avons soumis à Raphy Marciano avant l’été qui a été immédiatement séduit. Puis avec Didier Nebot nous avons a mis tout cela en forme, multiplié les contacts, élaboré un programme pour finaliser un projet définitif.

Je veux donc chaleureusement remercier Didier Nebot et Raphy Marciano à qui nous devons la réussite de ce colloque.

 Après avoir connus tous ces avatars vis-à-vis de la nationalité française qui ont été développés par les orateurs précédents, il nous appartient maintenant d’examiner quel a été le sort des juifs d’Algérie  redevenus français libres, de 1944 jusqu’à leur départ en masse en 1962.

 La guerre d’indépendance de l’Algérie et les choix et le positionnement de la communauté juive vis à vis de ce conflit ont été déterminants pour fixer ce sort.

 Je suis né à Alger en 1944.J’ai quitté définitivement l’Algérie en mai 1962.
J’ai vécu toute cette période  sur le terrain et j’ai partagé les ressentis vis-à-vis de tous ces événements aussi bien heureux que dramatiques.
Mon exposé sera donc à la fois un récit historique le plus objectif possible mais qui sera nécessairement imprégné de témoignages vécus.

 Je vais donc séparer cette période de 18 ans en trois parties bien différentes :

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-1944 – 1954 :  la décennie d’avant la guerre d’Algérie

- 1954 - 1962 : les juifs dans la guerre d’Algérie

- 1962 : L’exode et la fin de la présence juive en Algérie après un choix difficile entre leur terre ancestrale et millénaire et leur statut de français libre.

 

I ° De la libération au début des  « événements » 1944 - 1954

 Les juifs étaient français depuis 4 générations. Nous avons vu que malgré l’abolition du décret Crémieux, ils n’ont cessé de se sentir français, de militer et d’agir au péril de leur vie dans la résistance .Après la victoire du débarquement allié  sur les forces pétainistes du 8 novembre 1942 à laquelle ils ont largement contribué, ils n’ont eu de cesse de réclamer leur réintégration dans la communauté française.

Réintégration difficile puisqu’il aura fallu attendre un an :

 Tant que le général Giraud, farouchement anti sémite était au pouvoir en Algérie, il s'était opposé à faire une différence entre juifs et arabes et a confirmé l’abrogation du décret Crémieux dès 1942.

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C'est de Gaulle ,une fois au pouvoir après avoir évincé Giraud en mai 1943 qui a mis six mois pour se laisser fléchir par les institutions juives françaises, par une campagne de presse, et par Roosevelt sur qui faisaient pression les juifs américains.
C'est ainsi que les enfants juifs exclus des écoles en 1941, ne purent être réintégrés qu'en octobre 1943.

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Pendant cette période le traumatisme de l’abolition du décret Crémieux restait donc encore très présent. Les juifs avaient la hantise d’être confondus  avec les indigènes musulmans

 D’autant que les relations entre juifs et musulmans restaient assez dégradées :

L’épouvantable progrom de Constantine de 1934 était encore dans toutes les mémoires. Nul n’ignorait que de nombreux dirigeants nationalistes algériens s’étaient rangés au cotés de l’Allemagne nazie en 1940.

Les juifs d’Algérie restaient donc très méfiants vis-à-vis de la communauté musulmane  et dans leur immense majorité restaient très attachés à leur appartenance française. Cette méfiance était réciproque, les musulmans ne pardonnant pas aux juifs de  bénéficier de cette nationalité française dont eux-mêmes étaient exclus.

 L’antisémitisme d’une partie des européens chrétiens restait également très présent, qu’il fût tacite ou qu’il se manifesta par des actes de discrimination, d’humiliation ou même d’exclusion.

 Pour ces juifs placés entre le marteau et l’enclume la seule issue restait donc l’assimilation républicaine, la francisation qui seule leur permettait la poursuite de l’émancipation et de l’ascenseur social.

C’est le début des trente glorieuses. L’Algérie profite de l’essor économique et social de cette période.

 Cette « francisation » se traduit donc par une vie à l’occidentale, un appétit de culture française vers les écoles , les universités, les théâtres et les cinémas. Les galas Karsenty donnent les représentations des pièces du répertoire français en tournée en métropole et connaissent en grand succès.Les cinémas distribuent les mêmes films qu’en France et connaissent une grande affluence.

Une littérature d’écrivains juifs en langue française est foisonnante, reprenant à leur compte la devise d’Albert Camus : « la langue française est ma patrie ».

 Et  également par  un progrès social et une amélioration du niveau de vie :les commerçants et négociants juifs ont des activités florisantes.les cabinets de médecins et d’avocats juifs se multiplient.D’autres sont fonctionnaires : enseignants, policiers, postiers,  etc …

En un mot, les juifs avaient l’impression de vivre comme des français en France.

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Il faut reconnaitre que cette assimilation, surtout patente  dans les grande villes, se traduit par un certain recul de la culture juive : les pratiques religieuses sont plus ou moins respectées à la lettre, et surtout les convictions restent confinées à l’espace privé hors du champ politique et même hors du champ public.

Les juifs finissent à être considérés comme des « européens » et sont le plus souvent confondus avec ceux que l’on va surnommer les « pieds noirs ». Beaucoup revendiquent d’ailleurs cette appartenance, sans bien connaitre leur histoire. Comme les autres enfants des écoles ils avaient appris que leurs ancêtres étaient les gaulois, et c’était cette Histoire qui façonnait leur identité.

 C’est ainsi que juste avant le déclenchement des « événements »les juifs sont enracinés dans cette terre d’Algérie mais qui est également la France , cette France qui les a délivrés du statut de dhimmi en 1830.Ils ne souhaitent pas quitter la nationalité  française pour aller se fondre dans une nation algérienne à la citoyenneté incertaine. Albert Camus pourra parler d’eux en ces termes dans un article de l’Express de 1955 : « Ces populations juives coincées depuis des années entre l’antisémitisme français et la méfiance arabe ».

 Ils se sentent heureux de partager la vie des autres français d’Algérie avec ses plaisirs simples liés à la présence de la mer, du soleil permettant une convivialité et une gaité à l’exubérance méditerranéenne. Aux beaux jours, les plages sont pleines, les restaurants de bord de mer font griller les brochettes et servent les kémia et les beignets dans un air aux parfums d’anisette.

 La guerre d’Algérie va venir frapper de plein fouet cette douceur de vivre.

 II Les juifs dans la guerre d’Algérie : 1954 – 1962

Le 1er Novembre 1954 commence  l’insurrection indépendantiste du FLN.

Ce sont ce que l’on va appeler longtemps pudiquement les « évènements » qui, au début passent quasiment inaperçus par les européens et les juifs.

Le premier grand traumatisme, c’est une insurrection paysanne le 20 aout 1955 dans un petit village du constantinois El Halia .Sa sauvagerie et sa barbarie surprennent  et jettent dans l’effroi les communautés juives et européennes. Il y a des dizaines de victimes, hommes, femmes , enfants dont une famille juive connue dans tout le constantinois.

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Dans les mois qui suivent les agressions contre les juifs se multplient, le samedi de préférence : assassinat du rabbin de Batna, grenade dans un café de Constantine fréquenté par des juifs,, attentat dans la synagogue d’Orléanville.
La spirale de la haine est déclenchée .Des jeunes juifs  de Constantine s’arment et abattent de nombreux musulmans.

Le divorce entre les deux communautés semble consommé et pourtant, le 20 aout 1956 le FLN lance un appel à « la minorité juive d’Algérie » ,lors de son premier congrès tenu à La Soummam en Kabylie, pour tenter de la rallier à sa cause en discréditant l’attitude de la France vis-à-vis des juifs.

 L’intégralité de la lettre est reproduite ici. Les extraits en jaune ont été lus lors de la conférence.

 

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 D’emblée Les juifs sont troublés et hésitent à adopter une attitude tranchée.

Jacques Lazarus, ancien résistant, directeur du journal « Information juive » exprime ce trouble par cette phrase :  « Que pouvons nous faire :être vigilants, ne jamais provoquer mais tout tenter pour éviter de subir » .

Albert Chemouli résume ce dilemme par cette phrase célèbre : « Indigènes,allons nous rejoindre la grande tribu des Berbères, Français allons nous trahir la France ? »

 C’est dire combien les hésitations se sont manifestées, voulant ménager les deux parties dans une difficile neutralité, mettant en avant des positions individuelles contrastées et appelant à  un règlement pacifique du conflit conduisant à  une Algérie française fraternelle et égalitaire.

 Ce n’est qu’en 1958 que les juifs prendront franchement position par la bouche d’André Narboni, secrétaire général de la fédération des Communautés juives et membre du comité central du Consistoire d’Alger.

« Vous nous demandez de trahir une patrie sont nous sommes citoyens, la France, pour ne patrie qui n’existe pas encore.Nous entendons demeurer fidèles à la France, fidèles aux idéaux  de justice et de démocratie »

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Cette fin de non recevoir ne variera plus et va sceller le sort des juifs d’Algérie jusqu’à la fin du conflit et lors de l’indépendance.

 

En 1958 les attentats et agressions contre les juifs se multiplient. Des contacts politiques  sont tentés entre  la communautés juive d’Alger et des responsables du FLN.Ils n’aboutiront jamais.

Janvier assassinat du grand rabbin de Médéa , attentat à l’edxplosif du casino de la Corniche , le rendez-vous de la jeunesse juive d’Alger causant plusieurs dizaines de morts dont le chef d’orchestre Lucien Seror,dit Lucky Starway. 

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L’angoisse du terrorisme s’installe. Le couvre feu est instauré dans les grandes villes empêchant toute vie nocturne .La circulation sur les routes  entre les villes est dangereuse, chacun reste confiné dans son environnement ce qui limite les échanges humains.

 En 1958,à l’arrivée de De Gaulle au pouvoir après une brève accalmie, les violences et les attentats ont repris.

 En 1959, le discours de de Gaulle préconise l’autodétermination du peuple algérien,

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puis en  janvier 1960 survient  l’insurrection dite des « barricades » déclenchées à la suite de la révocation du général Massu par de Gaulle .

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 Les juifs sentent que la situation bascule et que la place de l’Algérie dans la France est plus que jamais menacée. L’immense majorité des juifs d’Algérie prend le partie de l’Algérie dans la France et veut continuer à y croire coute que coute.

 

III  L’EXODE ET LA FIN DE LA PRESENCE JUIVE EN ALGERIE

La désillusion va cruellement arriver en  au cours des événements tragiques de 1961 : C’est l’échec du putsch des généraux d’avril 1961 puis l’assassinat à Constantine du chanteur et musicien Raymond Leyris dit CheikRaymond, personnalité extrêmement populaire,

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et à la fin 1961 des émeutes organisées par le FLN avec l’incendie de la grande synagogue d’Alger vont semer la panique et déclencher une première vague de départs.

Puis entre fin 1961 et juin 62 ce seront des assassinats en série de rabbins et de personnalités juives , attentats contre les synagogues et les lieux culturels juifs.

Dès lors le choix est fait. Des milliers de juif quittent le pays en même temps que les chrétiens, départ encore accéléré par la signature des accords d’Evian le 19 mars 1962, la politique de « la terre brulée » de l’OAS, la fusillade de la rue d’Isly par des tirailleurs algériens de l’armée française faisant des centaines de morts dont de nombreux juifs parmi les manifestants pacifiques venus se porter au secours de Bab el Oued assiégé par l’armée française .

Le massacre d’Oran du 5 juillet 1962 par des éléments plus ou moins incontrôlés du FLN fait des centaines de morts et de disparus parmi les européens de la ville et achève de convaincre les derniers indécis.

130 000 juifs vont quitter le pays et se fondre dans la masse des rapatriés dans la précipitation et même la pire détresse, certains allant jusqu’à se suicider en se jetant du balcon de leur immeuble au moment de le quitter ou se jetant du pont des bateaux en partance pour Marseille.

C’est ainsi qu’a pris fin la présence deux fois millénaire des juifs en Algérie

 

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 EN CONCLUSION,

Je ferai deux remarques :

- Tout d’abord, il faut  observer que notre décret Crémieux aura été menacé jusqu’aux derniers moments de la présence juive. En effet, bien que les accords d’Evian stipulaient que les français d’Algérie pourraient garder leur nationalité après l’indépendance, le FLN avait demandé de distinguer le statut des juifs du reste de la communauté française d’Algérie en leur imposant une nationalité Algérienne c’est à dire en ré-annulant le décret Crémieux. Mais les autorités françaises ont refusé.

 - En second lieu, nous savons aussi que le destin des juifs exilés d’Algérie les a portés dans la grande majorité vers la France. Peu ont choisi de s’installer en Israël. Certains ont voulu leur en faire le reproche.

Cette phrase de Benjamin Stora contient des éléments d’explication :

« Ils se sont voulus simplement des pieds-noirs jetés dans l’exode et vivant un exil douloureux dans la métropole française. Pour eux, l’urgence était de s’intégrer dans la société française et non de chercher des liens avec un orient qu’ils quittaient définitivement ».

 Nous savons ici que malgré toutes les difficultés qu’ils ont dus affronter, cette intégration a été magnifiquement réussie.

  

Bibliographie et ouvrages sources :

 Benjamin Stora : Les juifs d’Algérie face aux « événements » in les « Juifs d’Algérie » édité par le MAJH lors de l’exposition de 2012

 André Chémouli : Les juifs d’Algérie, une diaspora méconnue

 Gilles Manceron et Hassan Ramoun : D’une rive à l’autre, la guerre d’Algérie à  la mémoire de l’Histoire Ed Syros

 Paul Angéli :La vérité sur les accords d’Evian  Mémoire, la voix du combattant Algérie janvier septembre  2012

 Michel Anski : les juifs d’Algérie du décret Crémieux à la Libération  Editions du Centre 1950

Avec en particulier : Giraud et de Gaulle, Le Comité de Libération rétablit le décret Crémieux –

"Quand la liberté fut revenue", par Pierre Paraf

 

 

Commentaires (3)
 

1. gozlan lucien Ven 10 Jan 2014

Il s agissait de Paul PEREZ et de sa fiancee Josette SMADJA, tous deux d Alger.
Les deux familles avaient donc decide de les marier a titre posthume, avant la mise en terre, en presence d une foule immense en larmes...
Monsieur Lucky Starway (son nom etait monsieur Lucien SEROR et habitait 23 avenue de la bouzareah a bab el oued) avait ete dechiquete par cette charge explosive , les restes de son corps (il pesait 140 kg) avaient ete reuni dans un sac et mis en terre.
C est le rabin ACHOUCHE de la synagogue de la rue sainte a la place du gouvernement qui avait prononce l oraison funebre, charge d emotions et les larmes aux yeux, en prononcant la phrase rituelle memoriel...."l homme est ne de la poussiere.... et il retourne a la poussiere..!!!!"....
On n a jamais prevu que cela allait se faire dans ce cas ...dans un SAC!!!!!

 
 

2. gozlan lucien Mer 08 Jan 2014

Bravo pour cette commemoration reussie du retablissement du 70eme anniversaire du decret Cremieux pour les juifs d Algerie, octobre 1943-octobre 2013.
C est sur mes remarques aux cotes de monsieur julien Zenouda a NATANIA, alors que nous preparions ensemble la commemoration du 70eme anniversaire de TORCH que je lui faisais cette analogie deux fois 70 annees..????
Aussi, il s imposait a MORIAL en France, d organiser cette heureuse manifestation.
Il serait peut etre bon d apporter une explication rabinique...de toutes ces commemorations qui s enchainent et se suivent:...????
Sur Terredisrael, sur le sujet de Torch, on avait realise un commentairesur la commemoration du 68 eme anniversaire au musee LOAMEI HAGUETAOT a Naharya dans le nord d Israel, musee de la resistance juive, nous avions convenu avec MORIEL d organiser un 70 eme anniversaire qui s est realise a NATANIA. Et pour MORIAL en France au centre communautaire a Paris...
Dans nos recits bibliques, le nombre 70 est cite..????
A ma connaissance, Moise a recu les 10 commandements sur le mont SINAI, ...ces commandements ont ete ecrits d apres le recit en 70 langues et ils ont ete proposes aux 70 NATIONS...
Alors pourquoi tant de forces dispensees pour honnorer ce nombre aussi symbolique..???
La France organise cette annee la commemoration du 70eme anniversaire du debarquement en normandie des Alliees le 6 juin 1944....
La Provence va organiser la commemoration du 70 eme anniversaire du debarquement des Allies sur les plages de St Raphael et des plages avoisinantes...
Dans ces deux debarquements ont participe des "jeunes gens" issues de la neutralisation des forces petainistes de l epoque 40/42 a Alger.
Monsieur PAUPHILET participait sur celui d Omaha Beach sur les cotes normandes, monsieur Gerard ROOL sur celui de Provence...
Il y eu un premier debarquement reussi deux annees auparavent, celui de TORCH, le 8 novembre 1942, dont l histoire de la resistance francaise a voulu dissimuler sinon diminuer le merite de ces "resistants" qui ont neutralise l ensemble de la ville d Alger, les armes a la main, aux risques et 
perils de leur propre vie, pour permettre aux Armees Alliees de penetrer sans combattre dans la ville et d obliger l Amiral DARLAN, dauphin du marechal, d accepter la reddition de l Armee d Afrique
Cet exploit extraordinaire et jamais egalee dans toute l histoire de la resistance en France n a jamais ete reconnu par le Conseil National de la Resistance comme un Haut Fait de Resistance.
Sur 377 participants, 312 etaient juifs...

 
 

3. GUIGUI Albert Dim 22 Déc 2013

Tous mes compliments pour cette excellente conférence qui retrace fidèlement les événements que nous avons vécus. Un élément a rectifier : l'attentat du casino d'Alger en Juin 1957 et non janvier 1958 (aurais-je conditionné ma mémoire ?) soit 8 à 10 jours avant l'attentat de mon père le 20 juin 1957. Je me souviens encore de ce jeune couple dont le mariage était prévu et dont la bénédiction fût donnée dans la tombe. Cordialement.

 


 

Commentaires   

0 # robe dubaï 22-07-2015 06:14
J'ai atteri tombé par simple hasard en tapant sur Bing sur votre post, les sujets sont vraiment bien rédigé, je vais le mettre en bookmark
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