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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

 e-mail : morechet@morial.fr -  lescollecteursdememoire@morial.fr

L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

 par Didier NEBOT : 

Camp du Maréchal  Mai 1962 "Mon témoigange"

" CE TEMOIGNAGE EST REPRIS  DANS  LE NOUVEAU LIVRE DE DIDIER NEBOT QUI VIENT DE SORTIR EN LIBRAIRIE  SOUS LE TITRE :  "LE CODEX DE QUMRAN " 

Après les accords d'Evian de Mars 1962, le cessez-le-feu est intervenu avec le FLN. L'indépendance de l'Algérie est inéluctable. L'O.A.S. (organisation armée secrète) joue la politique du désespoir, de la "terre brûlée". Les attentats se multiplient à Alger et dans les grandes villes aussi bien contre les Musulmans que contre les Européens qui veulent quitter l'Algérie, qualifiés de déserteurs par l’OAS.

Les "forces de l'ordre" qui n'ont plus comme ennemi le FLN se focalisent sur l'OAS. L'université d'Alger est considérée comme un des bastions de cette organisation secrète et les étudiants sont tous suspectés.

De Josette Sicsic

Editions Creaxion : 

https://creaxion.info/produit/un-ete-62/

"Un été 62" publié par les éditions Creaxion (2022), raconte sur un ton drôle et enlevé ces minuscules morceaux d'Algérie qui ont fait la petite histoire de certains d'entre nous.

L'autrice, Josette Sicsic, journaliste, transmets en même temps les drames de la grande histoire et de ses derniers moments.

Prix : 18 euros.

  Cliquer sur l'image pour l'agrandir

 

Cela faisait plusieurs jours que je sillonnais la ville de Constantine, avec l'espoir de retrouver au hasard de mes promenades, quelques éléments qui m'étaient familiers.

Comme quinze ans s'étaient écoulés depuis notre départ, j'avais totalement renoncé à l'idée de croiser un parent, un ami proche, ou à défaut une de mes connaissances. Mais, ce n'est pas là mon propos, et je raconterai ailleurs comment cela finit par advenir de façon fort surprenante, sous une des formes les plus inattendues.

Essayons de nous limiter ici à deux éléments faisant l'objet de mes recherches, qui comme assez souvent avec moi, deviennent vite quasi obsessionnelles.

En premier lieu, il me fallait à tout prix, trouver une assiette de Gnaouias.

Les Gnaouias sont ces légumes que ma mère inscrivait au menu du jour ; et quand elle le faisait, c'était comme un repas de fête, car elle savait donner à ce plat une saveur telle que nous nous en raffolions tous. Dire que ce sont des sortes de gombos donne une piètre idée de ce qu'ils représentent dans mon album de souvenirs. Je n'aurais jamais osé contester à mon grand-père Henri la première place parmi les adeptes de Gnaouias, mais depuis qu'il n'était plus de ce monde, cette place de choix me revenait tout naturellement.

Aucune de mes recherches pour m'en procurer n'aboutissait, et pourtant je ne me décourageais pas. Les personnes que j'interrogeais me conseillaient d'attendre que le ramadan débute, car en cette occasion on verrait apparaître toutes sortes de plats absents le reste de l'année.

Un jour dans un restaurant, une fausse joie s'empara de mois. Lorsque je demandais, dans un arabe approximatif, au serveur s'il y avait au menu des Gnaouias, il répondit par l'affirmative. Je me léchais déjà les babines pensant que j'allais à nouveau pouvoir déguster ce plat qui avait dans mon enfance rempli mon palais de plaisirs si difficiles à retrouver par la suite. Quelle ne fut pas ma déception de voir arriver un plat de viande qu'aucun légume n'accompagnait. J'appelais le garçon qui ne comprenait pas mes réclamations car pour lui j'avais commandé de la Guenouna ; il était donc normal que l'on m'ait servit un plat de lapine.

Ce quiproquo me donna l'occasion de raconter cette petite histoire au patron de l'hôtel où je logeais, sans autre intention que de partager avec lui ce genre de mésaventures qui ne porte pas à conséquences. Et c'est avec une joie mêlée de surprise, que j'entendis deux jours plus tard frapper à ma porte. Comme elle n'était pas fermée, je dis tout simplement : Entrez ! La porte s'ouvrit et je vis passer le seuil un énorme plateau où trônait un plat de Gnaouias et sous lui mon hôtelier .

Nous nous assîmes tous les deux face à face ; des sirènes avaient à l'instant même annoncé la rupture du jeûne, mais je fus le seul à me délecter car on me fit bien comprendre que la nourriture offerte était à moi seul destinée.

Le deuxième motif de mes recherches était encore plus introuvable. Il s'agissait d'un jeu d'échec, ou plus exactement d'un adversaire avec qui j'aurais pu jouer à ce jeu, jeu pour lequel j'avais encore à l'époque un faible fortement prononcé. J'aurais aimé trouvé un alter ego, quelqu'un ni trop fort ni trop faible pour moi, une personne avec qui j'aurais pu tester l'une ou l'autre des ouvertures que je maîtrisais alors à merveille. A vrai dire, comme personne ne se présentait, n'importe qui aurait fait l'affaire. Ah, si j'avais eu un penchant pour les dominos ou le jacquet, je n'aurais eu que l'embarras du choix. On ne voyait pas de femmes mais des hommes attablés sur les terrasses des cafés ou le perron des magasins, uniquement des hommes qui enchainaient partie de dominos sur partie de dominos. Un bruit sec le plus souvent accompagné d'un cri triomphal. C'est ainsi que chaque joueur abattait ses pièces sur la table. Tout était fait pour attirer l'attention du passant. Mais je les laissais à leur occupation interminable et poursuivais ma marche, sans jamais m'attarder à jeter un regard même distrait sur le jeu des uns ou celui des autres.

En fin d'après-midi, alors que je regagnais ma chambre d'hôtel, en descendant comme d'habitude, la rue Clémenceau, que je m'entêtais toujours à appeler par son ancien nom la rue Nationale, j'eus le pressentiment que quelque chose d'inhabituel allait se produire. Et en effet, j'aperçus de loin deux enfants assis sur le pas de la porte d'entrée d'un immeuble autrefois cossu, à présent d'apparence rustique. M'approchant d'eux, je fus surpris de voir qu'ils jouaient aux échecs. Le plus jeune des deux, un petit brun à la tignasse drue, me parut assez vite être le plus fort des deux et cela ne déplaisait pas à un autre jeune homme qui de haut surveillait avec une attention soutenue chacun des coups joués. Je me tenais à ses côtés et bien que le voyant de biais, je compris assez vite quel lien de parenté le liait au champion en herbe. Ce petit bout d'homme montrait déjà tout ce qu'il maîtrisait dans sa façon de prendre le temps de la réflexion, et à son terme sa manière de déplacer les pièces en disait long sur son assurance. Néanmoins, à un moment clef de la partie, il ne vit pas le coup qui lui aurait permis d'arriver plus vite à la victoire. J'attendis la fin de la partie pour le lui faire remarquer. Ce qui l'amena tout naturellement à me proposer une confrontation.

Je ne sais s'il était fatigué, ou si mes remarques l'avaient impressionné, le fait est qu'au bout d'une dizaine de coups, il se retrouva dans une situation délicate, une de celles qu'il est difficile, voire impossible de retourner. Et cela ne fit qu'empirer pour lui, jusqu'au mat final. Au terme de cette partie, le grand frère me proposa de revenir le lendemain pour offrir à son cadet la possibilité d'une revanche. J'acceptai, tout en sachant que l'affrontement serait à nouveau déséquilibré, et risquait de provoquer chez mon jeune adversaire la répétition d'une déception.

Le lendemain, à l'heure dite, je me présentai devant leur domicile. Cette fois, on me pria d'entrer, ce que je fis sans craindre de les gêner à une heure si proche du déjeuner car je me doutais bien qu'ils respectaient le ramadan, et qu'en cette période de l'année, ils sautaient le repas de midi. Posé sur la table de la cuisine, il n'y avait d'ailleurs rien d'autre que le jeu d'échec. Comme promis, nous devions jouer. Le seul avantage que je concédais à mon jeune rival fut de lui céder les blancs, et donc à lui de commencer la partie. Comme il avait choisi une ouverture classique, les échanges furent brefs, et la partie se termina rapidement, à mon avantage.

Dès le mat prononcé, la porte de la cuisine s'ouvrit et je vis entrer une femme et une jeune fille, probablement la mère et la sœur des deux frères.

La première tenait au dessus de sa tête un plateau sur lequel étaient posés tous les ingrédients pour composer un couscous au beurre. La seconde m'apportait les couverts qui allaient me servir à le consommer. Et c'est au moment où j'observais leur marche gracieuse vers moi, que me vint l'idée de scruter au delà de leurs pieds nus avançant avec délicatesse sur le sol, le parterre lui-même et plus précisément, le carrelage dont il était revêtu.

Ce carrelage, comme dans un flash lumineux me rappela une image que j'avais enfant gravée dans ma mémoire. A l'âge de huit ans, âge où on a encore les yeux près du sol, mes parents m'avaient emmené avec eux chez ma grand tante, Gilette Guedj pour une visite de circonstance certainement malheureuse tant elle fut courte ; ce dont je me souviens soudain c'est de la forme et de la couleur de ces carrelages que j'avais regardés fixement vingt ans auparavant ne sachant pas quoi faire d'autre. Et l'échiquier que formaient ces carrelages était là maintenant, vingt ans après, devant mes yeux.

Madame Guendouz me confirma rapidement que l'immeuble qu'ils avaient transformé en hôtel et les quelques pièces attenantes où ils habitaient avaient bien appartenu à des gens nommés Maurice et Gilette Guedj.

Je ne lui demandais rien, mais elle crut utile de se justifier en affirmant que l'acquisition avait eu lieu en bonne et due forme, devant notaire, ce que me confirma ma tante Gilette à mon retour.

Je me dois de signaler aussi qu'à mon retour, je rendis visite à une des filles Guendouz hospitalisée à Paris. Je répondis également à la demande de mon hôtelier de lui envoyer quelques exemplaires du magazine Détective, censuré alors en Algérie.

Je n'ai jamais cherché à savoir si le plus jeune des Guendouz avait fait carrière dans le fameux club de joueurs d'échecs de Constantine, mais je me plais à croire qu'il a lui-aussi gardé un bon souvenir de notre rencontre, en août 1977.

 

El-Beze Marc Eliahou, le 24 août 2022, Avignon

 

Je suis né à Alger à la maternité de l’hôpital Mustapha le 21 juillet 1935.

Visa de type professionnel délivré, à Claude Dayan, par le Consulat d’Algérie, suite au service rendu concernant la fabrication de l’eau de javel.

Six mois après ma naissance, dans les bras de mes parents à bord du Ville d’Alger, je voguais vers la France, la métropole où mes parents avaient décidé de s’installer.

C’est dans la ville de Montrouge commune séparée de Paris par le boulevard des maréchaux (le périphérique commencera sa construction en 1956.) que j’habiterais avec ma famille pendant vingt-sept ans. J’ai grandi et fréquenté la maternelle puis l’école de garçons de la rue Racine comme un petit parisien parmi mes camarades du primaire et du secondaire.

Je me sentais pareil à mes copains d’école et à ceux des activités sportives que je pratiquais avec enthousiasme. Certes, j’étais un vrai parisien, pourtant bien souvent à la maison j’entendais mes parents parler de l’Algérie. Ils évoquaient leur jeunesse, la famille, mon grand père, les oncles et les tantes et aussi les cousins dont j’apprenais les noms sans les connaître. Presque tous vivaient à Alger et pour moi déjà curieux et impatient d’en savoir plus sur ce pays, je découvrais sur mon atlas géographique l’Afrique, et dans mon esprit d’enfant, pour moi l’Afrique et l’Algérie ne faisaient qu’un seul pays.

Alors influencé par les illustrés et les films de l’époque, j’imaginais la jungle de Tarzan avec les animaux sauvages et une population curieusement vêtue, vivant dans un environnement exotique et dangereux. J’avoue que dès mon plus jeune âge mon imagination accompagnait souvent la perception de ce que j’apprenais et découvrais dans les livres, les films et les histoires que j’écoutais à la radio. C’était ainsi que j’imaginais ce pays où dès que l’on s’éloignait de la ville, on pouvait rencontrer des lions et des girafes.

 Il était merveilleux mon pays natal, longtemps j’en ai rêvé de cette Algérie.

Cette période fut de courte durée, je viens d’avoir cinq ans quand la guerre arrive. Mon père mobilisé part combattre dans l’est, puis nous apprenons qu’il est prisonnier et envoyé en Allemagne dans un stalag près de Berlin, il y restera pendant trois ans et demi.

Durant cette période jusqu’à la fin de la guerre, avec ma mère, mon frère et ma sœur nous avons commencé notre errance à travers la France pour fuir les arrestations de la gestapo. J’ai écrit le récit de mon parcours en compagnie de ma mère de mon frère et de ma sœur. (Il fait l’objet d’une autre publication.)

 

A la fin de la guerre, de retour à Montrouge, dans la paix retrouvée l’évocation de l’Algérie a repris sa place dans les discutions familiales. J’avais dix ans à la fin de la guerre, et ma curiosité n’avait de cesse pour savoir, tout savoir sur ce pays, l’Algérie avait toujours un aspect un peu mystérieux. Alors mon père et ma mère me racontaient leur enfance, leur jeunesse laborieuse mais heureuse. Ils avaient vécu parmi une population multi nationale où se côtoyaient : arabes, kabyles, espagnols, italiens, corses et bretons. Ils m’expliquaient que cette mixité se passait dans un climat de bonne entente, avec le respect des coutumes et des traditions de chacune de ces communautés. Je me souviens que mes parents parlaient l’arabe et le kabyle et aussi un peu des autres langues de leurs voisins de quartier.

Après la réparation des blessures de la guerre, vint la restauration du moral de la famille et le bonheur de recommencer à travailler et retrouver des conditions de vie normales.

Dès que cela fut possible économiquement, mes parents décidèrent de faire découvrir Alger à leurs enfants. C’était pour les vacances au mois d’Août 1948, nous avons embarqué à Port Vendre à bord d’un cargo qui prenait aussi des voyageurs. La traversée fut mouvementée car les mouvements du bateau nous rendaient malade. Nous avons voyagé sur le pont car cela coûtait moins cher, allongés sur des transats, la nuit nous regardions le ciel constellé d’étoiles. Après trente sept heures de navigation nous sommes arrivés à Alger par une matinée ensoleillée.

C’était mon deuxième rendez-vous avec l’Algérie, je venais d’avoir treize ans, mon frère onze et ma sœur six.

 

Enfin je découvrais le pays de ma naissance, c’était beau, c’était tout blanc, je trouvais que la ville était belle, elle méritait bien qu’on la nomme, Alger la blanche, mais elle n’était pas aussi exotique que mes rêves d’enfant l’avaient imaginée. Je rencontrais mes oncles, tantes et cousins. Cette première journée fut surtout pour mes parents celle des retrouvailles. Mais ce furent les jours suivants que je découvrais vraiment ce qu’il y avait d’Algérie dans cette ville qui avait donné son nom au pays.

Alors j’ai voulu tout voir, tout sentir, tout goûter, je regardais vivre cette population où se mêlaient des gens vêtus comme des européens et d’autres en habits traditionnels gandouras et turbans et aussi les silhouettes blanches des femmes voilées.
Chaque jour je découvrais de nouveaux quartiers de cette ville, le port ; la grande poste, puis le jardin d’essais, c’est ici au milieu de ces grands palmiers et de cette luxuriante végétation que je retrouvais l’Afrique de mes rêves d’enfant.

Pourtant l’étonnement, la surprise et le bonheur de la découverte se situaient à deux pas de l’immeuble où habitaient mes grands parents. Rue Montpensier, face à l’école c’était le dernier immeuble européen, il jouxtait la médina, une étroite ruelle pentue descendait des hauteurs de la ville et marquait le début de la ville arabe.

 

Cette voie était régulièrement empruntée par des bourricots chargés de toutes sortes d’objets, de marchandises et aussi d’ordures ménagères. Tout au long de la journée je regardais ces caravanes monter ou descendre cette rue qui se nommait je crois, rue des dattes. Outre l’activité qui régnait sur cette ruelle, elle m’attirait et je ne résistais pas longtemps à me perdre dans le dédale des chemins tortueux qui sefaufilaient entre des habitations aux formes étonnantes. Cette partie de la ville arabe fut durant une période de mes vacances, le terrain préféré de ma curiosité, et aussi celui de la découverte d’une culture, d’un mode de vie traditionnel qui m’ont étonné et enrichi. Non loin de ce quartier je visitais le marché de la Lyre puis celui de la rue Randon. Le dimanche nous allions en famille nous baigner sur la plage de la pointe Pescade. Ce fut pour moi à l’âge de l’adolescence des vacances merveilleuses,

L’été 1948 fut mon deuxième rendez-vous avec l’Algérie.

Depuis des années se sont écoulées. En novembre 1956 j’ai vingt ans, appelé au service militaire je suis mobilisé et envoyé à Trèves en Allemagne. Après mes classes, compte tenu de mes études et de mon bagage technique je suis désigné pour effectuer une formation d’artificier démineur et je dois rejoindre la caserne de la Citadelle à Lille pour commencer ma formation. Je ne suis pas très heureux d’aller manipuler des explosifs mais je n’ai pas le choix, alors je vais m’appliquer à ne pas faire d’erreurs.

 Durant plus d’un mois j’apprends à confectionner des mines des pièges explosifs de toutes sortes, mais aussi à désamorcer des mines, des roquettes des grenades des munitions de toutes origines Après avoir obtenu mon brevet d’artificier je rejoints ma caserne du 6 éme régiment de cuirassiers à Sissonnes dans l’Aisne. Trois semaines plus tard notre régiment prend la direction de Marseille que nous rejoignons par le train, et nous embarquons le 14 Mars 1957 à bord de l’ ATHOS II en direction du port de Bône. Nous sommes trois mille soldats à bord de ce vieux bateau qui navigue à petite vitesse. La traversée dure trois jours dans une mer agitée. Durant le voyage on nous approvisionne en munitions, chargeurs et grenades et nous vérifions le fonctionnement des armes. Nous débarquons le 16 Mars 1957 dans le port de Bône.

C’est mon troisième rendez- vous avec l’Algérie.

 

Dès le lendemain nous partons en train en direction de ville de Tébéssa trois cents kilomètres au sud sur les hauts plateaux et les djebels des monts Némentcha.

( A partir de cette date je vais tenir un carnet de bord dans lequel je noterai chaque jour les évènements vécus et mes observations de ma vie de soldat et d’observateur attentif de cette période de la guerre d’Algérie jusqu'à l’arrivée du Général de Gaulle à Alger et Constantine)

De retour d’Algérie je reprends mon activité professionnelle et parallèlement un cycle d’études universitaires interrompu pendant ma mobilisation.

Au cours de ma carrière, j’ai été appelé à des fonctions de direction technique de plusieurs entreprises en France et à l’étranger. J’ai par ailleurs développé des technologies et déposé plusieurs brevets.

Directeur technique d’une entreprise de transformation des matières plastiques en Lorraine j’ai créé et développé un procédé nouveau à l’époque, dans le domaine des contenants des produits chimiquement agressifs.

Cette découverte est à l’origine de mon quatrième rendez-vous avec l’Algérie.

 

L’aventure débute ainsi :

Le commandant Jacques Yves Cousteau à bord de son navire la Calypso est en campagne d’exploration sur la flore et la faune de la Méditerranée.

Au cours de ses prélèvements avec son équipe, il constate avec étonnement l’absence totale de tout organisme vivant dans tous les prélèvements qu’il a relevés depuis plusieurs heures.

Poursuivant ses recherches dans une autre zone, les prélèvements sont identiques, absence totale de toute vie organique. Plus un poisson, plus de plancton, disparition de toute espèce végétale.

Devant ce constat surprenant le commandant décide d’explorer une zone plus large de ce secteur de la Méditerranée, mais les prélèvements donnent les mêmes résultats. Il n’y a plus d’organisme vivant dans cette partie de la mer. En examinant sur la carte marine l’endroit où la Calypso faisait ces prélèvements, le commandant constate qu’il se situe au large de la côte Est de l’Algérie face aux villes portuaires de Bône et de Philippeville devenues Annaba et Skikda.

Après avoir débarqué à Skikda, Cousteau visite l’usine pétrochimique qui traite le pétrole des gisements en provenance du Sahara. Poursuivant son investigation le commandant découvre une rivière qui déverse dans la mer des effluents issus du traitement de la raffinerie.

Après avoir interrogé les dirigeants de l’usine, Cousteau apprend que cette rivière se déverse dans la mer depuis des années.

Suite à cette découverte les autorités scientifiques du pays ont examiné sérieusement le problème et découvrent que les effluents rejetés en mer depuis des années par l’usine de Skikda sont composés à plus de quatre vingt dix pour cent, d’hypochlorite de soude.

Ce produit est très proche de la composition de l’eau de javel que paradoxalement l’Algérie importe en très grandes quantités depuis la France.

Par ailleurs, d’après les scientifiques, il faut savoir que si cette rivière d’hypochlorite de soude n’avait pas été stoppée, elle aurait pu à terme polluer presque toute la Méditerranée.

La suite de cette aventure : la diffusion des informations concernant l’évolution des technologies a contribué à faire connaître le résultat de mes recherches dans le domaine des contenants thermoplastiques. Et en particulier ceux compatibles avec le conditionnement de produits agressifs comme l’eau de javel.

C’est ainsi que j’ai été approché par les services techniques et l’administration Algérienne pour installer la ligne de fabrication nationale des doses de javel pour tout le pays.

Après avoir réglé les conditions et le planning de ma mission en Algérie, l’ambassade d’Algérie me délivre un visa et le 8 mars 1990 j’atterris à l’aéroport Houari Boumediene d’Alger.

Après une réception officielle je suis invitépar des membres d’un ministère dont je ne me souviens plus le nom, et après avoir rencontré encore plusieurs autres personnalités, j’ai été conduit à mon hôtel pour me reposer. J’avais un peu de temps avant de me préparer pour une invitation dans un grand restaurant de la ville.

Deux jours plus tard un vol intérieur me déposait à Bône et c’est par la route qu’une voiture m’a enfin conduit à Skikda sur le lieu de ma mission. Après la mise en route de la ligne de fabrication, je suis resté quelques jours supplémentaires pour former les ingénieurs et les cadres algériens au fonctionnement et au contrôle de l’ensemble des machines.

Je fus à cette époque très bien accueilli par les autorités nationales du pays à Alger ainsi qu’à Bône et Philippeville.

Ce fut en Mars 1990, peut-être pas, mon dernier rendez-vous avec mon pays natal.

Claude DAYAN

PARIS le 6 MARS 2022

1943 → 1962 ma naissance → mon départ

1943 → 1954 ma naissance → les événements

 

Que me reste-t-il de l'Algérie, de ce pays d'Afrique du Nord où je suis née ?

Très peu de souvenirs de la petite enfance à part les récits familiaux.

Ensuite, les événements comme on disait qui vont rythmer une adolescence et une jeunesse volées.

Après le village de Fornaca (Oranie) où je suis née c'est Mostaganem qui accueille la famille Bellange, Nessim, sa femme Andrée née Moriousef et les filles Danielle et Lydia avant d'accueillir Francis et Jocelyne.

Mostaganem petite ville (70 000 habitants) construite sur un plateau est au bord de la mer dans la baie d'Arzew entre la Macta au nord et au sud la plaine du Chelif.

C'est près de Mosta que vient se jeter le plus grand des fleuves de l'Algérie .

Le Chelif (700 km) traverse les monts de Miliana, du Dahra et ceux de l'Ouarsenais.

Il coloriait la mer d'ocre quand les pluies diluviennes déferlaient en emportant la riche terre rouge du Dahra.

C’est du port de Mosta que partaient les pinardiers emportant dans leurs flancs les vins lourds et très titrés, les primeurs et les agrumes, produits de ce terroir.

L’irrigation due à Philippe Lamour (le même qui a irrigué le sud de la France)
a permis le développement de ces cultures.

La famille Bellange habitait rue Voltaire face à la Glacière Mostaganemoise - lettres noires sur toute la longueur d'un mur chaulé de blanc.

Ah ! la glacière, du haut de notre balcon on vivait à son rythme, à son bruit, à son animation, à ses odeurs.

Au fond, la machine à piler la glace qui mangeait goulûment ces longs pains de glace
posés sur un sac de jute sur l’épaule des hommes.

Au fur et à mesure les camionnettes, les charretiers prenaient leur cargaison et filaient en direction
du port pour maintenir au frais les arrivages de poisson car "Mosta" est aussi un port de pêche.

Je fréquentais l’école "ROSE" ça ne s'invente pas, elle était tout simplement peinte en rose.

Je n’ai pas de bons souvenirs de cette période scolaire.
Nous étions admis mais pas aimés. Nous étions socialement des petits.

Nous ne portions pas de cadeaux à nos maîtresses.

Je dois à Madame Becker d’avoir passé le concours d’entrée en sixième et le CEP (classe où j’avais été reléguée). Merci madame !

 

Mes parents travaillaient : mon père chez un patron juif qui ne lui faisait pas de cadeau. Ma mère était couturière. Nous étions toujours bien vêtues et ma mère fut sollicitée pour habiller les filles et les mamans, nos voisines. Une clientèle se constituait parmi la famille Evrard, mère et filles. Elles achetaient les tissus et patrons à Paris et revenaient avec les catalogues de mode. A la maison, c’était la ruche ; les essayages, les allées venues, l’atelier (une pièce de la maison) bruissait constamment. Souvent en rentrant du collège, une pièce m’attendait à surfiler, à ourler. Un dernier petit coup de fer ; la robe, le tailleur un manteau disparaissait dans une grande feuille de papier bleu. Ma mère épinglait l’enveloppe avec la petite note et je partais livrer avec les consignes d’usage si on me payait directement.

 

Déménagement rue Franklin pour un appartement plus spacieux dans l'immeuble Pineda comme il était d'usage à l’époque de donner le nom du maître d’œuvre.

Changement de cadre de vie. Nous sommes en ville nous dominons le parc, la mer, la caserne des tirailleurs. Nous sommes face à la "maison du Colon" près du Prisunic et du marché.

A chaque marché, nous revenions avec un morceau de Calandica (Socca à Nice) enveloppé dans du papier journal. C’était chaud, c’était gras, c’était bon.

 

Le dimanche on s’habillait chic, on mettait du Sent Bon comme disait mon père et direction les arcades.

L’endroit où l’on faisait le boulevard où tout le monde allait et venait.

Certains avec son paquet de chez "Lesauvage" célèbre pâtissier de Mosta.

Sur la grande place, l'immense église toute blanche trône, entourée d’arcades où se trouvent les cafés

Aknin et Hagay où les hommes se rassemblent. Parmi eux, mon grand-père Joseph Moriousef.

 

Après une dernière anisette, il s’en va de son pas pressé descendre les monumentaux escaliers

qui mènent au quartier de l’Avenue Raynal, où vivent les familles Mamain-Medioni-Adida-Monsonego et Moriousef.

La maison des grands-parents maternels est en rez-de-chaussée, grande en forme de U,

avec une cour ouverte dans le fond.

Il y avait deux cuisines ; ce n’était pas de trop pour accueillir neuf enfants, gendres,

belles-filles et petits-enfants pour fêter autour du patriarche Roch Hachana, Yom Kippour, Pessah où les enfants bien repus dormaient pendant que les hommes lisaient la HAGADAH jusqu’au bout du bout,

 

Yom Kippour c’est l'heure tardive à laquelle arrivait le rabbin pour égorger nos volailles. Il faisait tournoyer les volatiles sur nos têtes avant de les tuer et les faire disparaître

sous la grande lessiveuse en zinc. Après son départ et quelques pièces (nos rabbins n’étaient pas riches) nous voici tous à plumer – nettoyer – vider – Yom Kippour ce n’était pas la fête !

 

La Hilloula ! Oui ! J'en garde un souvenir intact. Nous partions tous au cimetière qui dominait la ville. Un grand et beau cimetière. Le long des allées, des marchands qui vendaient du bazar. Nous avions droit une petite bague bleue. Nous descendions femmes et enfants à l’endroit où reposaient les "saints" sous la pierre chaulée de blanc. Et là, pieds nus, une bougie à la main et en arrière nous cheminions à travers ce sanctuaire avant d’allumer notre veilleuse. Place aux hommes qui à leur tour arrivaient. Ils étaient précédés d’un orchestre oriental. Ils dansaient, chantaient et nous arrosaient d'anisette.C’était une belle fête pour nous les enfants. Avec le recul c’était païen.

 

J'ai peu de souvenirs de la grande synagogue de Mosta édifiée en 1848, inaugurée en 1857.

Elle accueillit1 Napoléon III en 1865

Une anecdote circule dans la famille maternelle. Les SOUSSAN étaient orfèvres et auraient prêté leur argenterie pour recevoir dignement l’empereur…

 

Toutes les fêtes familiales se déroulaient dans les maisons et non pas la synagogue. xxx.

Les événements vont obliger la communauté à la fermer à cause de son emplacement dans le quartier musulman. La nouvelle synagogue est petite, moins solennelle, plus accueillante. Le rabbin MARCIANO la dirige et sa femme mène sa chorale vocale et instrumentale d'une main experte.

 

Nous chantions partout, à la synagogue pour les offices, dans les maisons pour les heureux événements.

J’étais soliste ce fut un épisode heureux de mon adolescence. Je me surprends à fredonner certains airs et pendant ces moments-là je suis là-bas chez moi. Nostalgie.

Maintenant les femmes ne peuvent pas chanter dans les synagogues.

Les temps changent pas toujours en bien.ooo

 

Il faisait chaud dans mon pays, très chaud. L'été pendant huit mois la famille Bellange s’installait à Petit Port station balnéaire dans le Dahra. Mon père suivait son nouveau patron et sa famille. Monsieur Evrard était Colon et conseiller général. Mon père était son chauffeur, son homme de confiance. Monsieur Evrard regagnait ses terres et ses vignes ; il était normal pour lui que nous le suivions.

 

Nous avions une villa prêtée par le patron entre mer et forêt. Tout un été de liberté, de baignades, de matchs de hand-ball, de siestes (soi-disant) sous les pilotis des cabanons, de pédalo, de périssoire, de hors-bord (celui du patron) et de pêche aux oursins sur la barre rocheuse.

 

La fête du village avec son mât de cocagne (bien savonné par mon père), son lâcher de canards et d'oies sur l'eau. Et moi serveuse chez PESSERAN (le café) et ma sœur serveuse chez Taquinelli (le deuxième café) pour prêter main forte. Les fêtes de village en Algérie, des moments forts, nous avons vu les grands orchestres comme Georges Jouvin – Ray Ventura, même Ray Charles à ses débuts.

 

De gros nuages viennent envahir notre vie et nous allons commencer à vivre avec la peur.

L’inquiétude est présente : mon père et son patron sont armés pendant leurs déplacements, ils sont visés ;

le patron est une "grosse légume" comme on disait FLN - OAS - l’escalade, les opérations, le maquis, le couvre-feu, les militaires (trois ans d’armée) tous dans le même sac. Pâtosses et pieds-noirs.

La rébellion, le putsch, les gardes mobiles, à nouveau l’escalade.

La vie est moche, il y a des morts et des blessés. Ce sont des attentats.

Tout un nouveau vocabulaire dans notre vie de jeunes.

Tout est danger, aller à l’école, aller travailler.

L’angoisse diminue le soir quand tout le monde est à la maison.

Tout est hermétiquement fermé (couvre-feu oblige à 18h).

Certains soirs une ou des explosions. Où ça ? Des fois dans notre rue ; pourquoi la blanchisserie ? L’immeuble en face ? Autant de questions sans réponse.

 

Certains soirs tout l'immeuble montait sur les terrasses et c’est tout Mostaganem qui raisonnait des bruits "Algérie française" que nous tapions en scandant sur nos couvercles de faitout.

On était content, on avait agi.

Mais dans le quartier arabe de TIGDITT les youyous nous répondaient…

Et la peur, présente, muette.

Et puis l’espoir De Gaulle arrive à Mostaganem des milliers de gens l'attendent tous mélangés sur l’esplanade somptueuse de la mairie, où trônait son monument aux morts "morts pour la France".

Il est là sur le balcon et il discourt longuement, la foule applaudit, hurle et quand nous l’entendons dire

L'ALGERIE RESTERA FRANCAISE c'est du délire.

Nous y étions avec nos drapeaux hurlant, chantant une marseillaise vibrante.

(en Algérie tout le monde chantait la marseillaise).

En rentrant à la maison nous avions changé, l'avenir avait changé, nous allons rester.

Le soir après avoir raccompagné son patron mon père dit à ma mère "Andrée nous allons partir c'est Mr EVRARD qui m'a dit "Mr BELLANGE préparez votre famille au départ".

Le 2 juin 1962, nous sommes à la SENIA aéroport d'ORAN, chacun avec un numéro ma mère ses 4 enfants ses parents quelques valises. Mon père reste encore.

Ce même jour, nous atterrissons à MARIGNANE aéroport de MARSEILLE FRANCE.

Secours catholique, sandwichs au fromage, les scouts nous dirigent vers la GARE SAINT CHARLES direction Montpellier. Il est minuit.

Deux taxis nous prennent en charge et nous tapis, au fond du véhicule nous traversons Montpellier, la place de l'OEUF avec son animation de sortie de cinémas. Et nous nous disons "Ils sont fous, c'est le couvre feu."

Nous arrivons, chez de la famille, rapatriée elle aussi, et qui ne nous attend pas.

Minuit le 3 juin 1962 une autre vie attend la famille BELLANGE.

Ma soeur aînée vit au CANADA depuis 1965.

La famille EVRARD quittera l'ALGERIE pour le BRESIL. MEKTOUB.

MEMOIRE SEPHARADE.

Pour écrire ces pages, je n'ai pas fouillé ma mémoire ; les souvenirs sont présents ils se dévident comme un cocon de soie.

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Lydia SABBAN née BELLANGE

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AVIGNON VAUCLUSE

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xx Exemple. En 1960, année de la bar-mitsva de mon frère, après la cérémonie, toute la famille se réunissait à la maison. On se casait comme on pouvait. Les repas étaient faits maison ; sœurs et belles-sœurs venaient prêter ma forte. Les feuilles de brick était fabriquées sur le cul de la bassine en cuivre. Les oranais les relizanais ceux qui venaient de loin était logés chez la famille proche ; les filles ensemble ; on dormait tête-bêche comme des sardines ; c’était la grande réunion familiale. On avait un pick-up et on chantait avec PAUL ANKA les PLATTERS, et nos chants de tradition avec ma grand-mère Diamante.

ooo C’est pendant cette époque là que les EI furent créés. Nous étions Danielle et moi éclaireuses, nous étions scouts avec toutes les activités inhérentes à ce mouvement. Buisson Ardent était notre chef régional. Ce fut bref mais bon.  

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