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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

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L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

ATTENTAT LE PLUS MEURTRIER QUE LA VILLE A CONNU

Nous sommes le dimanche 19 janvier 1958, il fait très beau, le ciel est bleu et le soleil luit de pleins feux. Il fait même chaud.

Janine, ma sœur aura 10 ans après demain et maman comme à l’accoutumé décide de passer l’après midi chez sa sœur Esther demeurant rue Mozart afin de fêter l’anniversaire de Janine.

Papa ne nous accompagne pas, il travaille car son bar rue Turgot reste ouvert. Il est environ 15h30 quand nous sortons de la maison maman, Janine, Alain et moi.

Nous remontons la rue Lord Byron et traversons l’avenue de la république, principale artère de Sidi Bel Abbés.

Nous voilà devant le magnifique théâtre de la ville édifié en 1936 en remplacement de l’ancien.

Nous traversons l’avenue et remontons la place Carnot, place centrale très importante considérablement fréquentée par les jeunes et les moins jeunes, combien de fois l’ai-je montée et descendue en patins à roulettes…

Nous passons devant le café de France, très grand établissement de la ville fréquenté par toute la population masculine, jeune aux flippers, âgée pour les jeux de cartes etc… Nous ignorons qu’à ce moment notre oncle Elie était présent avec ses amis comme tous les dimanches.

Maman nous fait presser le pas car nous somme un peu en retard. Nous ne remarquons pas non plus la présence de Renée notre cousine, la fille aînée de ma tante et mon oncle. Elle est là, place Carnot devant la terrasse du café ALBA accompagnée de ses amies : Arlette et Denise BENHAMOU. Elles attendent paisiblement un car

qui doit les amener à « La Maison du Légionnaire ». Tous le dimanches un bal est organisé dans cet établissement fréquenté par tous les jeunes bel-abbésiens.

Avec maman nous continuons notre chemin et passons devant le cinéma « le Versailles », l’avenue Proudhon, les glacis nord, le collège Leclerc et la rue Mozart pour arriver chez notre tante Esther.

Dès que nous mettions le pied devant la porte d’entrée une véritable explosion nous assomme littéralement tant le bruit est étourdissant.

L’inquiétude est forte car il semble que l’attentat doit être très proche.

30 minutes plus tard notre oncle Elie arrive précipitamment en hurlant : « Renée a été tuée, Renée a été tuée… Elle a reçu le détonateur de la bombe dans le ventre et a été tuée sur le coup ainsi que ses deux amies, c’est moi qui ai découvert ma fille en sortant précipitamment du café où je jouais aux cartes. »

Par malheur un vélo était garé le long du trottoir et contenait dans sa sacoche une bombe qui avait été programmée pour sauter au moment de l’affichage des résultats sportifs du jour. Sidi-Bel-abbés est une ville très sportive et son club de football le SCBA est très réputé. Il a plusieurs fois gagné la coupe d’Algérie et même d’Afrique du Nord. Ce dimanche un match très important avait lieu et par chance ou malchance il y a eu des prolongations si bien que l’heure d’affichage des résultats a été différée. Si bien que par bonheur il n’y a pas eu le carnage que les fellaghas escomptaient…

On a compté malheureusement 6 morts : Arlette et Denise Benhamou 18 et 22 ans, Jeanne Munoz 32 ans, Marc Servéra 8 ans, un instituteur et dramatiquement ma cousine Renée Sebban 21 ans, ainsi que 41 blessés, principalement au sein du café de France ALBA suite à la déflagration occasionnant des chutes de bris de vitres.

Toute la famille réunie rue Mozart est anéantie. Ma tante et ma mère n’arrêtent de pleurer et de se lamenter. Nous, les enfants somment médusés et ne comprenons pas la situation. Apprenant la nouvelle des amis accourent rue Mozart pour en savoir plus.

Nous venons de vivre l’attentat le plus meurtrier de toute la guerre d’Algérie. En effet grâce à la présence de la Légion Etrangère installée en 1863 par Napoléon III dans la ville, les attentats ont été peu nombreux et nettement moins meurtriers. La Légion exerçant une peur intense auprès de la population arabe qui pouvait se rebeller.

Mon cousin Marcel, frère de Renée, âgé de 16 ans est absent. Je suis chargé d’aller l’informer du malheur. Il se trouve au cinéma de la Légion situé près du jardin public. Henri mon cousin m’accompagne en voiture. Je m’y rends et informe le responsable. Par mon intervention, la projection du film est arrêtée quand le haut-parleur annonce que Marcel Sebban est attendu à la sortie suite au terrible attentat qui vient de se produire.

Un épouvantable deuil va prendre naissance, ma cousine Renée était l’une des plus belles filles de la ville, plusieurs garçons de son âge étaient amoureux d’elle. Elle avait comme l’on dit « l’embarras du choix ». L’un d’entre eux s’est d’ailleurs sacrifié en refusant de se marier toute sa vie…Un autre lui a consacré dès le lendemain un poème que je joins à ce modeste témoignage.

Lors des obsèques des trois jeunes filles au cimetière juif de la ville, la communauté juive était massivement réunie et les condoléances très nombreuses et chaleureuses.

Une chose est sûre après ce drame la vie familiale n’était plus la même, mon oncle et ma tante meurtris par ce chagrin n’ont jamais accepté jusqu’à la fin de leur vie ce triste sort, Renée, leur fille aînée était la « prunelle » de leurs yeux.

Alfred ENKAOUA

Paris le 1er février 2022 

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Poème écrit dès le lendemain par un ami admirateur et ami de la famille.

En hommage à ma cousine Renée Sebban

 

Oui, tu nous as quitté comme l'oiseau s'envole

Comme un papillon fond dans un ciel de printemps
Et nous, pauvres indigents, n'avons que la parole
Pour clôre notre rêve en un cercueil sanglant

Tu as été pour nous, dans ta fraîcheur naïve
Ce qui fait espérer, ce qui fait croire en soi
Et tes doux yeux d'azur évoquaient une rive
Où nous serions plus grands, riche de ton émoi

Et tu restera jeune, car notre souvenir
Garde à jamais cet âge où tu nous a quitté
Puisqu'un destin jaloux t'empêcha de vieillir
Ne pouvant consentir à flétrir ta beauté

Ce que j'apporte ici n'est que de la souffrance
Simple comme une larme et comme tu l'étais
Lorsqu'on te regardait, blonde était l'espérance
Le ciel était plus bleu et, toi, tu l'ignorais

Ah ! elle est bien à nous cette terre algérienne
Où nous avons vieilli en un siècle d'efforts
Il fallait que la France, afin qu'elle fût sienne
Y coucha ses espoirs avec ses enfants morts

N'avons-nous donc plus rien dans le coeur et dans l'âme
Qui n'apportons ici que des faces de deuil
Qui tendons aux tueurs et d'enfants et de femmes
Une amicale main par-dessus un cercueil

Gouvernement de vieux achevant de pourrir
Assez de lâchetés vêtue en politique
Les Français, jusqu'ici, ont su vaincre ou mourir
O ! mon vieux coq Gaulois, réveille-toi et pique

Faut-il donc ménager des intérêts sordides
Compter nos alliés sur des besoins d'argent,
Avons-nous un drapeau plein de passés splendides
Pour en faire le linceul de filles de vingt ans

Où sont-ils donc tes morts, ô vieille République !
Gosses de Charleroi et poilus de Verdun
Et ceux qui, en sabots, ont, du bout de leur pique
Gardé nos libertés : Levez-vous les défunts !

Faut-il donc aujourd'hui que nous soyons des lâches
Honteux de notre coeur, chiches de notre sang
S'il faut, pour nous dicter la grandeur de nos tâches
Une fleur moissonnée, une tombe d'enfant.

 

Sidi-bel-Abbès, le 20 janvier 1958
René Martineu.

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