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Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

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L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

Témoignage de Charles Bunan

ORAN = La Rue des Juifs

Propriétaire d'un grand domaine viticole à OranCharles Bunan a vécu son rapatriement comme un exil immensément douloureux.

Soudain, il perdait un cadre de vie qu'il aimait infiniment et qui symbolisait toute la fraîcheur de sa jeunesse; il laissait derrière lui un métier dont il était fier, parce qu'il était traditionnellement refusé aux Juifs et qu'il le faisait avec succès.

Pourtant, malgré son "mal à l'Algérie", c'est en France qu'il découvrira peu à peu avec bonheur la spiritualité juive à laquelle ses années en Algérie ne lui avaient pas donné accès.

 

 

L'exil aura curieusement ouvert le champ d'un retour aux racines...

Charles Bunan, quel a été le cadre de votre jeunesse ?

Je suis né en 1930 à Oran.

Mes parents possédaient un domaine viticole de 175 hectares et faisaient partie de ce qu'on pourrait appeler la bourgeoisie juive locale. Comme la majorité des familles bourgeoises d'Oran, mes proches s'étaient fortement éloignés du judaïsme, qui leur était devenu un folklore : nous allions deux ou trois fois par an à la synagogue, pour les grandes fêtes, nous mangions de la matza à Pâques, mais nous ne disposions pas des clés nécessaires pour comprendre le sens de ces pratiques. Notre affiliation à la France, en revanche, était très forte.

J'ai grandi dans un paysage magnifique, fait de grands espaces et peuplé de chevaux... Une vie de ranch à l'américaine

Mon enfance a cependant été noircie par la mort de mon père, lorsque j'avais 11 ans, et quelques mois plus tard par les mesures discriminatoires de Vichy, qui ne m'ont pas permis h' de suivre mon année de 6e au lycée français.

Heureusement, des écoles juives ont été immédiatement créées et animées par ceux de nos professeurs qui avaient été renvoyés des établissements publics. Ce qui est remarquable, c'est que ces écoles et lycées ont continué de fonctionner après la guerre et qu'ils ont toujours été beaucoup plus performants que les écoles françaises!

Un des événements les plus lumineux de ma jeunesse a été mon entrée aux Éclaireurs Israélites de .France (EIF).

Quel plaisir nous avions à nous y retrouver, en 1942, en ce temps où nous n'avions aucun loisir! L'encadrement y était fantastique : nous avions des chefs prestigieux, comme Gérard Israël ou Manitou.

Dites-nous un mot de votre vie de viticulteur 

Après mes études secondaires, j'ai suivi une formation dans une école d'agriculture. C'était très rare, chez les Juifs.

En Algérie, chaque ville comptait au plus une ou deux familles juives qui s'occupaient de la terre; ce métier faisant partie, depuis des siècles, des occupations jugées trop nobles pour les Juifs. Au risque de paraître immodeste, je suis heureux de dire que nous étions de très bons agriculteurs et que nous faisions un excellent vin.

Nos conditions d'exercice étaient très agréables.
Nous employions de très nombreux Arabes, avec lesquels nousavions des relations de confiance. On les aimait et ils nous aimaient. Nous avons gardé auprès de nous des familles de génération en générationemployant les parents, puis les enfants, et les enfants des enfants...
Par ailleurs, je ne travaillais que trois jours par semaine,
et je disposais du reste du temps pour m'adonner à ma passion : le cinéma. J'ai animé
un ciné-club — ouvert à tous, naturellement — où des personnes aussi brillantes que François Châtelet ou Marc Ferro débattaient des films que nous projetions.

Comment avez-vous vécu la guerre d'Algérie? Comment vous situiez-vous politiquement ?

Comme la plupart de mes amis, je m'étais positionné viscéralement en faveur de l'Algérie française.
Aujourd'hui, je ne suis pas sûr d'avoir eu raison. Mais, à l'époque, je réagissais avec passion, sans nuance. Il faut dire que nous avions tout à perdre à voir s'instaurer une Algérie algérienne nous avons d'ailleurs tout perdu. De plus, nos grands-parents, puis nos parents, avaient fait la guerre pour la France, et ce sentiment nationaliste nous était resté avec une vivacité extrême. C'est sans doute pourquoi beaucoup de Juifs se sont impliqués dans l'OAS

Cette guerre a été source de moments très difficiles, mais aussi, même si cela peut sembler étrange, de nos jours les plus heureux. Nous ne nous sommes jamais autant amusés qu'alors. Nous étions jeunes, nous allions à la plage, nous sortions beaucoup, et toujours en groupe. Naturellement, à côté de ces plaisirs quotidiens, nous savions que des gens mouraient, et qu'il fallait être prudent. Pour ma part, en tant qu'agriculteur, j'étais très exposé, et deux soldats français avaient été postés sur mon terrain pour repérer les éventuelles venues de fellagas.

Finalement, ce sont surtout les six derniers mois qui ont été difficiles. Nous sentions que nous allions tout perdre, et les gens commençaient à partir, Pourtant, jusqu'aux accords d'Évian, nous avons sincèrement cru que nous resterions toute notre vie en Algérie. Nous ne pouvions pas imaginer un autre scénario, et des responsables comme Michel Debré ou d'autres faisaient des déclarations qui renforçaient cette croyance. Notre déception n'en a été que plus violente.

Comment s'est passé votre départ d'Algérie ?

Comment recommence-t-on une vie, lorsque l'on est amoureux du pays que l'on a abandonné ?

J'ai quitté l'Algérie en juin 1962, parce que la situation devenait trop dangereuse. Comme les gens qui partaient se faisaient tirer dessus, j'ai fait semblant d'accompagner jusqu'à l'avion ma femme qui était enceinte, et je suis monté à bord avec elle, au denier moment. Nous étions alors sous la protection de l'armée française. Nous avions en tout et pour tout un sac. Dans les mois qui avaient précédé notre départ, nous avions tout de même, par précaution, envoyé par paquets de trois kilos quelques biens auxquels nous tenions à un oncle qui habitait à Paris.

Matériellement, cela n'a pas été trop difficile pour nous, puisque nous connaissions la France, et que nous recevions les diverses indemnités prévues par l'État pour les ressortissants français. Mais la cassure morale était terrible. Nous avions tout laissé là-bas. Je suis parti sans métier exportable, et j'ai dû troquer mon fravail au grand air contre un emploi de bureau, mon oncle m'ayant proposé au bout de quelques mois une place dans son agence immobilière.

Seul un de mes cousins a eu le courage de s'instalIer à Bandol pour y faire du vin. Il est parvenu à gagner une renommée mondiale, au prix d'efforts immenses. Je suis très fier de sa réussite.
Pour ma part, j'ai fini par trouver du plaisir dans mon nouveau métier, parce qu'il comportait une forte dimension relationnelle. Les clients me disaient que je n'avais vraiment pas l'air d'un agent immobilier, et c'était un compliment.

Néanmoins, il m'a fallu dix anspour me remettre de cet exil. Pendant dix ans, j'ai eu "mal à l'Algérie" ;je faisais des cauchemars toutes les nuits. Aujourd'hui, je suis guéri, même s'il me reste un fond de nostalgie. Peut-etre est-ce aussi la nostalgie de ma jeunesse. Avec le recul, pourtant, je me dis que la vie que je menais en Algérie était assez superficielle et éloignée de valeurs fortes du judaïsme.

Comment vous êtes-vous rapproché de ces "valeurs fortes du judaïsme" ?

J'ai le sentiment d'avoir découvert le judaïsme à Paris. Peut-être estce l'âge qui m'y a conduit. Mais je crois surtout qu'à Oran nous manquions de maîtres. Et puis, le judaïsme n'y était pas "à la mode". Après avoir retrouvé Manitou à Paris, j'ai intimement souhaité me plonger dans la culture juive. J'ai beaucoup lu, appris l'hébreu et suivi des enseignements très divers, notamment celui de Claude Sultan. J'ai été profondément influencé par les grands penseurs du judaïsme de la seconde moitié du XXe siècle que sont André Neher, Emmanuel Lévinas et Manitou.

Cette découverte de ma culture a constitué une ouverture fantastique, que j'ai souhaité faire partager à ma famille. Dans le même temps, encouragé par ma femme, je suis devenu plus pratiquant.

Aujourd'hui, je regrette d'avoir été privé de l'étude juive pendant ma jeunesse. Ma passion pour le cinéma m'occupait beaucoup, mais j 'aurais frès bien pu ménager un peu de place à la pensée juive dans mon emploi du temps.
Il serait néanmoins injuste de dire que rien des valeurs du judaisme n'a filtré dans mon éducation en Algérie. L'esprit de ces valeurs, ce sont les Éclaireurs israélites qui me l'ont inculqué.

Ainsi, c'est aux EIF queje dois le sens de l'engagement communautaire qui m'a été transmis et qui m'a permis en France d'œuvrer au CRIF, au FSJU, à l'Appel unifié juif de France, à la Fédération séfarade et pour I'Association juive de l'Oranie qui organise chaque année, depuis 1963, un grand office de Kippour où les ressortissants d'Oran se retrouvent avec bonheur.

Êtes-vous toujours un Juif d'Algérie ?

Je me considère comme un Juif français qui a vécu en Algérie. Mon identité s'est enrichie. C'est vers Israël que se tourne à présent mon regard. Non pas forcément pour y vivre —je n'en ai pas le courage pour l'instant mais comme vers un horizon d'affiliation

Source de l'information

Propos recuillis par Laetitia DARMON pour l'Arche en mai 2003

Pour en savoir plus sur les Domaines BUNAN : https://bunan.com/

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

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