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Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
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Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
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Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

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Afin de pallier la morosité ambiante, nous vous proposons trois fois par semaine : lundi, mercredi et vendredi (sauf Yom Tov), des extraits du dernier ouvrage de notre Président d’honneur, Didier Nebot. A travers cette fable fantastique, bientôt en librairie,  vous pourrez vous évader du contexte anxiogène actuel.
Episode 4
Plusieurs mois passèrent, des rapports presque filiaux s'établirent entre le juif et l’Arabe. David était bien traité, presque libre. Son monde aurait pu se résumer à Aïn Médhi, il se serait même à la longue converti et aurait eu l'existence la plus raffinée que l'on puisse rêver. Pourtant, il ne cessait d'avoir conscience de sa condition de prisonnier, et puis il ne pouvait oublier sa famille. Le visage de Léa lui apparaissait souvent en songe, elle disait au revoir en agitant le bras, là-bas en Espagne.

 L’idée d'une évasion prit lentement forme dans son esprit.Cette occasion, il la croisa par un beau matin d'avril, alors qu'il assistait les commerçants d’Aïn Médhi au marché. La pyramide de melons qu'il avait soigneusement construite s'effondra en grosses perles jaunes, et il lâcha rageusement une insulte tonitruante en hébreu.Un passant s'arrêta net et lui lança :
– Tu es juif ?
– Oui, répondit David, Et toi ?
– Je suis aussi juif, j'habite Laghouat et je m'appelle Dado.
– Tu as fui l'Espagne? poursuivit David.
– Non, mon frère, ma famille est là depuis des siècles. Et toi, tu viens de là-bas?
– Oui, répondit David la voix étranglée par l'émotion, je veux partir avec toi à Laghouat.

Dado réfléchit quelques secondes, puis acquiesça en lui donnant rendez-vous pour le lendemain matin. David savait qu’il ne risquait rien, depuis longtemps déjà, il passait des journées entières seul dans la bibliothèque du Cheik et personne ne s'étonnerait de son absence avant le lendemain. Alors, il serait loin du Djiid généreux.

Effectivement tout se passa comme l’avait imaginé David et deux jours plus tard, libre et heureux, il se retrouvait à Laghouat au milieu des siens. Entouré d’une ribambelle d’enfants excités, il se dirigea vers la synagogue, une des rares constructions solides de la région. Il fut présenté avec cérémonie à toute la communauté. Qu'il soit venu du nord, – de cette Espagne assassine –, fascinait ces gens fixés dans ces lieux depuis des temps immémoriaux. Mes’od Bensaïd, le Zaken Ha Yehoudim de Laghouat, le patriarche, imposa le silence :
– Sois le bienvenue parmi nous mon enfant. Nous sommes très heureux de t'accueillir. Je suis le gardien de l'ordre, nommé par les Arabes. En cas de conflit, je suis leur intermédiaire, mais tout se passe bien en général. Tu logeras chez moi, si tu le veux bien. Ce soir nous ferons cuire un méchoui en ton honneur.

David était ému. Pour la première fois depuis fort longtemps, il pouvait parler sans contrainte. La communauté l'écouta attentivement évoquer ces violences inimaginables, là-bas en Espagne. Les anciens tendirent un peu plus l'oreille lorsqu'il évoqua le Talmud, les livres. Ici, il n'y avait rien sinon quelques vieux manuscrits gardés précieusement dans la synagogue. La tradition n'était qu’orale, les connaissances superficielles. Mais on se savait, on se sentait juif. Il posa à son tour d'innombrables questions, Mes’od répondit sans hésitation :
– Nous sommes très différents de toi et pourtant nous sommes aussi juifs. Nous sommes dans ce pays depuis des temps immémoriaux. As-tu entendu parler des tribus Mediona, Djeraoua, Belhoula, Néfouça et d'autres encore qui peuplèrent les montagnes et le bord de mer bien avant l'arrivée des Arabes?
Et bien elles venaient de Judée et elles se sont mêlées aux autochtones berbères. Notre religion se transmit oralement, des générations entières vécurent sans avoir jamais vu une bible. Quand les compagnons du Prophète vinrent de l'est pour conquérir notre terre, nous n'avons pas été touchés. La chance. Au nord par contre, ils furent nombreux à se convertir, c'était l'islam ou la mort, mais après tout, au quotidien, ces deux religions sont si semblables !

Il y eut pourtant une révolte levée par une femme, une juive, dont on parle encore aujourd'hui. La Kahena, l'appelait-on, la reine du Maghreb. Elle tint tête aux musulmans, mais elle mourut décapitée. Personne ne put résister au déferlement des Hilaliens. Tu vois, ce pays est peuplé de légendes, notre histoire remonte tellement loin. Les chrétiens, eux, ont disparu comme bulle de savon, malgré Saint-Augustin le berbère, qui tenta d'imposer la parole de Jésus-Christ, mais ceux d'Arabie ont tout balayé.Et puis ce fut la terreur sous les Almohades qui se servirent de leurs épées pour imposer le Coran. Nous avons eu la chance de passer à travers les mailles du filet. Nous étions trop éloignés des pistes caravanières. Alors nous sommes restés juifs, ainsi que quelques tribus, mais la plupart des autres, à travers tout le Maghreb, se sont converties. Les plus grands esprits de notre foi se sont éteints, emportant avec eux les livres et la culture. Nous avons alors vécu en suivant le fil du temps, observant sans repères la loi de nos lointains ancêtres. Voilà pourquoi au gré des rencontres, tu reconnaîtras dans le langage des Berbères des sonorités d'hébreu, tu t’étonneras de certaines pratiques musulmanes teintées de nos rites, tu ne comprendras pas les habitudes de tribus qui judaïsent sans en avoir conscience, ici Jéhovah et Allah ont joué leurs peuples aux dés. Reste parmi nous David si tu le souhaites. Cependant en t’enfuyant, tu as trahi la confiance du Cheik d’Aïn Médhi et tôt ou tard, il apprendra ta présence parmi nous. On peut te racheter, mais acceptera-t-il? L'affront que tu lui as fait est grave. Le risque est grand.

– Merci de tout cœur, Mes'od, mais je ne peux oublier que, quelque part au-delà de l'horizon, les rescapés de ma famille m'attendent. Je veux les retrouver
– Fais donc ce que ta conscience te dicte, petit Moïse, et que Dieu te protège car ta tâche sera dure dans ce pays immense. Je vais me renseigner auprès des villages voisins. Si un convoi se forme pour remonter vers le nord, tu le suivras, mais cela peut prendre du temps.Deux semaines plus tard, le fils du Cheik d’un village voisin se rendait au bout du monde, à Fès, pour ramener la nouvelle femme que son père avait choisie. Il accepta de prendre David sous sa protection. Ce dernier laissa exploser sa joie. Il savait qu'à Fès, il rencontrerait son destin, et qu’enfin il pourrait commencer sa vie.David partit sans se retourner en cette matinée de printemps 1496. Il était en compagnie d’Abou, Yehich, Anouar. L’œil furtif mais observateur sous le capuchon de leurs burnous, les trois Arabes avaient étudié David, ce jeune homme étrange venu d’ailleurs. À la halte du soir quand, déployant les tapis, ils se prosternaient en direction de La Mecque, ils avaient remarqué que leur protégé s’éloignait discrètement, les laissant à leurs dévotions. Peut-être en profitait-il pour adresser ses prières à son propre dieu ?

La nuit venue, tous s’asseyaient autour du feu. L’air embaumait l’odeur piquante du thé à la menthe, les galettes craquaient sous les dents et les dattes moelleuses et douces terminaient le repas frugal. Les hommes savouraient ce moment de détente. Peu à peu, les langues se déliaient; c’était l’heure des légendes et des contes qui enchantaient David. Les conversations languissaient, rires et paroles s’espaçaient, tandis que la pourpre du crépuscule enveloppait les dunes lointaines et que le ricanement des chacals succédait aux palabres des hommes.
Le sable, dans l’étendue infinie du désert, prouvait qu’il était l’unique roi de cet univers mouvant. Le calme environnant impressionnait David. Ces deux années d’esclavage à Aïn Medhi, aux portes du Sahara, l’avaient coupé du monde et il avait du mal aujourd’hui à se croire libre. Libre de penser, de rire, d’agir. Ce voyage à travers le désert lui apprenait le sens du mot harmonie. Ses compagnons avaient toujours un demi-sourire sceptique sur le coin des lèvres, comme pour lui rappeler que tout n’est peut-être qu’illusion. La caravane avançait pas à pas, dans l’océan indifférent des dunes.

"A suivre"

 

         

 

             Didier Nebot

 
 

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