logo_transparent1.png

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bienvenue sur le site de l’association MORIAL

Notre objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des Juifs d'Algérie. Vous pouvez nous adresser des témoignages vidéo et audio, des photos, des documents, des souvenirs, des récits, etc...  Notre adresse

 e-mail : morechet@morial.fr -  lescollecteursdememoire@morial.fr

L’ensemble de la base de données que nous constituons sera  régulièrement enrichie par ce travail continu de collecte auquel, nous espérons, vous participerez activement.  L'intégralité du site de Morial sera déposée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris, pour une conservation pérenne .

Tlemcen, le kiosque à musique au centre ville
Médéa : rue Gambetta (1945)
Alger : rue d'Isly (1930)
Une oasis à Ouargla (Territoire du Sud algérien)
La Grande Poste d'Alger (Photo J.P. Stora)
Square Bresson
Lycée E.-F. GAUTIER D'ALGER
Service Alger - Bouzareah
Alger : le marché de la place de Chartres
MEDEA - Le Café de la Bourse
Guyotville - La Plage

Par Didier NEBOT

Vendanges romaines à Cherchell

Les quelques rues du village menaient toutes à une place grouillante que les allées et venues incessantes de la populace enveloppaient dans un nuage de poussière blanche.

Une animation assourdissante, un marché coloré aux ombres variées et multiples, à la fois languissantes et mouvantes, étourdirent David.

Il écarquillait les yeux revigorés par cette étonnante ambiance, lorsqu'il aperçut d'étranges créatures accroupies au sol qui lui jetèrent un regard dédaigneux.

Il n'avait jamais vu de dromadaires ni ces hommes vêtus de longues robes, la tête drapée d'une coiffure faite de larges bandes de tissu. Il n'avait jamais vu de femmes au visage peint de bleu et aux mains orange. À l'étal des marchands, il découvrait des plantes et des fruits inconnus, leurs parfums se mêlaient à d'autres senteurs fortes et suaves, qui flattaient son odorat et lui faisaient oublier les nuages de mouches que d'indolents vendeurs chassaient d'une palme flexible.

Le chef du douar finissait de palabrer avec des hommes vêtus de noir, quand soudain une main s'abattit sur David. Apeuré il se retourna. Un individu à la mine douteuse l'interpella en espagnol. David resta muet de stupeur avant de retrouver dans sa mémoire le sens des mots. Mais aucun son ne sortait de sa gorge, l'homme reprit alors :

-Tu viens d'Espagne, petit.

- Oui, répondit-il

-Tu es juif, c'est ça.

-Oui, dit-il

-Comment se fait-il que tu viennes seulement de débarquer

Alors David sortit de sa torpeur et raconta son effroyable odyssée. Par raison, avec sa famille, il avait dû se convertir, en Espagne, et remettre à plus tard le moment de partir. Malheureusement le destin s'était acharné contre eux. Sa mère et sa sœur avaient été massacrées à Valence et son père s'était mortellement blessé sur le petit bateau de fortune qui les emmenait hors d'Espagne. Il avait continué le voyage ainsi seul, durant une ou deux semaines, attendant une mort qui ne voulait pas de lui.

 

L'arabe écouta, ému, il dit : Tu as donc traversé la Méditerranée, seul. Ici tu es en Afrique, petit, à Cherchell, au royaume de Tlemcen. Nous, nous sommes les Arabes de Grenade, les Andalous. Comme toi et les tiens nous avons fui l'Espagne, il y a un an maintenant et nous nous sommes établis cette ancienne cité romaine. L'endroit est calme et paisible, il n'y a pas de juifs chez nous, tes frères sont dispersés dans d'autres endroits. Je te sens affolé, mais sois tranquille personne ne te fera de mal.

David recevait tant d'informations en si peu de temps, qu'il se sentit vaciller. Il avait traversé la Méditerranée sur quelques planches et il n'était pas mort ! Fallait-il rester ici, accepter la fatalité ou réagir partir à la recherche du reste de sa famille, de sa tante Myriam et de sa petite cousine Léa, qui lui avait dit un tendre et triste au revoir, un soir là-bas en Espagne, dans le cauchemar.

- Je dois retrouver ma tante ! Aidez-moi ! Je vous en prie. Dit-il.

- Ne t’inquiète pas petit, nous t’aiderons. A Miliana vivent quelques familles juives. Le marché se tient dans quelques jours, tu viendras avec nous et ainsi tu verras les tiens.

 

Plus au sud, à vingt lieues à l'intérieur des terres, se trouvait Miliana, de la tribu, fief de la tribu des Beni-menasser. Les chemins escarpés ralentissaient l'allure des mules. Ce n'était que montagnes qui dentelaient l'horizon, alors que les brumes épaisses du matin se dissipaient. Après la nature horizontale de la côte, David découvrait ces paysages verticaux, les éboulis,

les arbres jaillissant vers le ciel, la chaleur lourde et moite entre ronces et caillasse, et le Chéliff, oued aux humeurs si changeantes. La petite troupe voyagea deux jours à travers la montagne par de sinueux sentiers de chèvres avant d'arriver à la ville.

Une quarantaine de familles juives étaient installées ici. Le souk était immense. La place du marché de Cherchell semblait dérisoire. Dans la ville encaissée au milieu des roches et de la verdure, tout ce que cette terre produisait d'épices et de céréales, de laitages et d'étoffes, de volailles et de chevaux, tout ce que les hommes fabriquaient de bijoux, de vases, de costumes et de meubles, tout s’étalait là dans l’agitation des mains et du verbe. Un coin du souk semblait différent du reste du marché, et David ne tarda pas à reconnaître ceux de sa religion. Il fit un signe de remerciement à l’homme qui l'avait conduit jusqu'ici : « Adieu petit, cours là-bas, et bonne chance. »

Entre adieux ici et précipitation là, David se trouva devant un étal de tissu. Entendant quelques mots d'hébreu il devint attentif. De joie, il frappa dans ses mains et éclaira son visage d'un immense sourire. Le marchand s'étonna, sa femme observa à son tour le jeune homme et face à l'irrésistible sourire, ils l'interpellèrent en hébreu. David sauta spontanément au cou de l'homme. Dans un souffle, il lança des phrases désordonnées et le couple attendri, attendit qu’il se calme. Quelques minutes après, entouré d'une dizaine de personnes, il rassembla ses esprits pour raconter son odyssée. Tous furent émus à l'écoute de ce jeune Moïse à qui Dieu avait permis de survivre.

 

Le marchand lui raconta alors sa propre histoire : « Nous sommes une quarantaine de familles juives ici, nous avons débarqué il y a un an et les arabes nous ont bien accepté. On vit en bonne intelligence avec eux. On est regroupé au nord de la ville, nous payons la dîme au calife, le montant en est raisonnable. L'Espagne n’est plus qu’un vieux et mauvais souvenir. Certes ce n’est pas la richesse, loin s’en faut, nous vivons dans des abris rudimentaires et certains sont encore sous la tente, mais on ne laisse tranquille. Nous ne sommes pas malheureux. Te rends-tu compte, le Hakem, le maire de Miliana, nous attendait, il y a un an, avec du café qu’il nous fit servir en signe d'hospitalité. Parfois nous nous rendons à Alger. C'est un petit port calme et peu fréquenté, mais nous allons en pèlerinage sur les tombes des grands rabbins Ribach et Rasbach, ils ont eu l'intelligence de fuir l'Espagne en 1391, lors des premiers grands massacres qui ont secoué la péninsule ibérique. »

David était impressionné par une telle sérénité. Si une vie presque paisible semblait possible ici, il savait qu’elle n’était pas faite pour lui. Il n’avait qu’un désir celui de retrouver le reste de sa famille, quitte à parcourir le pays de ville en ville le restant de ses jours.

 
 

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

MORIAL - Association loi de 1901 - Le nom MORIAL est déposé à l'INPI © 2011 Tous droits réservés
Site réalisé Avec joomla Conception graphique et développement : Eric WEINSTEIN